Quand la stratégie manque à l’appel,
les tacticiens se bousculent au portillon

 

Des missions si fondamentales

Génération après génération, inlassablement, l’Université a pour devoir de former:

• des spécialistes dans une très large gamme de domaines et de disciplines dont les expertises et les pratiques se fondent sur des connaissances scientifiques avérées;
• des esprits libres et critiques capables de mettre en question les dogmes, les évidences, les « faux savoirs » et de promouvoir toutes les formes d’émancipation;
• des citoyens engagés dans la préservation de nos modèles démocratiques.

Pour ce faire, l’Université doit produire une recherche scientifique de haut niveau, recherche dont elle intègre les résultats et les modèles de réflexion dans ses enseignements. En cela, elle s’inscrit dans une filiation centenaire et dans une communauté scientifique internationale, en bravant le temps et l’espace. A cette fin, l’Université s’insère en profondeur dans tous ses environnements : social, écologique, culturel, socio-politique, économique, etc. Elle veille à y diffuser ses savoirs, elle perfectionne ses techniques, elle améliore ses pratiques, elle déploie ses cliniques.

Ces missions fondamentales de l’Université font traditionnellement couler beaucoup d’encre. Lorsqu’on se prête à l’exercice périlleux de les coucher sur papier, chaque mot en est pesé, chaque connotation en est décodée, chaque signification implicite en est interprétée voire sur-interprétée, jusqu’à l’atteinte d’un immobilisme complet, par excès de découragement des protagonistes. Or, l’Université de Liège n’a plus le loisir de telles joutes de l’esprit.

Une nécessaire stratégie

Dans des environnements exigeants et contraignants, aux mutations de plus en plus rapides, les Universités doivent, tout en préservant ces missions qui conservent toute leur actualité et toute leur acuité, renoncer à l’accumulation et au cloisonnement au profit d’une vision et d’une conception plus globales. Elles doivent pour cela s’ouvrir à l’exercice de la stratégie. Et c’est bien là ma volonté.

Cette décision ne sacrifie ni à une nostalgie militaire, ni à une mode managériale, sujettes à bien des critiques légitimes. Elle répond à des contraintes et à des exigences de l’époque qu’il serait dangereux d’ignorer ou de sous-estimer : multiplication de l’offre d’apprentissage et donc renforcement possible d’une concurrence dangereuse; explosion et morcellement de savoirs de plus en plus spécialisés; transformations profondes des aspirations des nouvelles générations d’étudiants, ces « digital natives »; contraintes financières et budgétaires ; attentes fortes, et parfois même démesurées des milieux économiques mais plus encore de la société civile à l’égard des institutions universitaires. Cette décision est une nécessité pour l’avenir de notre institution, pas une « fantaisie » pour une équipe dirigeante ! Penser la stratégie de notre Université ne remet nullement en question ses missions fondamentales. Au contraire, cette forme de pensée permet de mieux les intégrer, d’en exploiter les synergies, d’en préserver les moyens.

Encore faut-il préciser la notion de stratégie pour bien en cerner la portée.

Une stratégie définit une situation souhaitable, recherchée à moyen ou long terme, elle est anticipatrice. Une stratégie considère un système complexe dans sa globalité, c’est-à-dire qu’elle englobe les composantes significatives de ce système mais également, et peut-être surtout, les interactions que ces composantes entretiennent entre elles. Le réseau d’influence mutuelle entre les composantes est l’élément porteur de valeur et d’efficacité. Elle est systémique. Une stratégie n’est jamais auto-référenciée car elle concerne toujours le positionnement du système considéré dans son environnement. Là encore, les interactions sont essentielles. Sont examinés les échanges entre ce système et son environnement, y compris son environnement concurrentiel. Une stratégie est réputée réalisable, ce n’est ni une utopie, ni un agrégat de désirs particuliers.

Une vision aux multiples regards

Pour être réalisable, une stratégie doit susciter l’adhésion du plus grand nombre. L’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie ne sont ni un processus purement technique, ni même un processus gestionnaire, c’est un processus social. Corollairement, une stratégie doit être communicable pour être aisément compréhensible. Une stratégie est révisable et adaptable au cours du temps pour autant que les modalités de révision soient fixées préalablement. Une stratégie d’un niveau de complexité donné s’articule à une stratégie d’un ordre de complexité supérieur. La cohérence de cette articulation fait simultanément la force des deux stratégies considérées.

J’ai donc voulu que l’Université de Liège se mobilise pour façonner une stratégie commune qui condense l’intelligence créative et le sens des responsabilités de chacun de ses membres. J’ai souhaité une stratégie institutionnelle qui articule des plans stratégiques facultaires, témoignages de l’autonomie et de la solidarité de nos Facultés et de leurs membres.