Disclaimer : ce billet n’est pas écrit par un médecin ou un épidémiologiste mais juste par un scientifique spécialisé dans le domaine de la prise de décisions qui a déjà halluciné en voyant  le corps médical manquer de masques de protection et qui ne veut pas que le même problème se cause avec les respirateurs.

On le sait depuis plusieurs jours déjà. Le système de santé dans de nombreux pays est dépassé ou va être dépassé à cause de l’épidémie coronavirus. Les services médicaux ne suivent plus. Et un des gros problèmes auquel ils doivent faire face est le manque de respirateurs. Ils sont absolument nécessaires chez les patients souffrant de détresse respiratoire aigüe, causée par le coronavirus chez environ 5% des patients contaminés. La stratégie que l’on a à l’heure actuelle pour lutter contre l’épidémie est de limiter les contacts sociaux afin de lisser cette fameuse courbe d’évolution du nombre de contaminations. Le lissage devrait faire en sorte que l’on ne dépasse jamais les capacités du système de santé et donc que l’on ne manque pas aussi de respirateurs.

Je vais vous montrer, en utilisant le cas belge (je suis belge) extrapolable partout dans le monde, que cette stratégie du lissage implique nécessairement que l’on doit urgemment se procurer de nouveaux respirateurs.

Voici le raisonnement. Pour que l’infection au coronavirus puisse s’arrêter, il faudra au final que 60 à 80% de la population développe une immunité par rapport au coronavirus, ce qui l’empêcherait de se propager dans la population. Une autre stratégie serait la stratégie d’hyperconfinement à la chinoise mais que je ne pense pas réalisable dans le contexte belge, pour différentes raisons que je ne détaillerai pas ici. Dans le cas de la stratégie chinoise, on peut penser arrêter l’épidémie sans avoir un grand pourcentage de la population exposée au coronavirus.

Faisons l’hypothèse que 60% de la population doit être contaminée au coronavirus avant que l’épidémie ne s’arrête. Sur cette population affectée, 15% devra être hospitalisée. Avec une population belge de 11,5 millions d’habitants, cela fait quand même 0.6 x 0.15 x 11,5 millions = 1035000 patients hospitalisés. Parmi les patients hospitalisés un tiers va se retrouver en soins intensifs et sous respirateur.  Cela fait quand même 345000 patients qui vont tous avoir besoin d’un respirateur. Sur ces 345000 personnes, la moitié mourra sans doute, et presque la totalité si aucun respirateur n’était disponible.

Un patient en soins intensifs restera 10 à 14 jours sous respirateur. Prenons même le chiffre conservateur de 10 jours. Il faudra donc avoir 3,45 millions de « jours respirateurs ».

En Belgique on a environ 4000 respirateurs, peut-être même un peu moins. Donc pour ne jamais tomber à court de respirateurs, et en supposant que l’on puisse parfaitement lisser la courbe des contaminations, il faudrait la lisser sur une période de 3450000/4000 = 862 jours pour ne jamais manquer de respirateurs. Soit étaler la contamination en jouant sur les stratégies de distanciation sociale pendant une période d’un peu plus de deux ans et quatre mois. C’est illusoire, et ce raisonnement montre surtout qu’il est important de se procurer très rapidement de nouveaux respirateurs ! Bien entendu, il ne faut pas que des respirateurs, il faut aussi des lits médicaux, des infirmiers… Et on n’a même pas discuté du fait que lisser de manière aussi parfaite l’épidémie est impossible.

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