Le ministre Paul Furlan démissionne et est remplacé par Pierre Yves Dermagne. Et la compétence énergie de chez Furlan part chez le ministre Lacroix, l’actuel ministre du budget. Il y a fort à parier que Christophe Lacroix, qui doit déjà gérer des compétences importantes, ne prenne pas ce dossier énergie à bras-le-corps. On est en milieu de législature, c’est un dossier complexe et pour lequel il n’a jamais manifesté le moindre intérêt. On suppose donc que le dossier énergie sera dès lors de facto mis au placard jusqu’en 2019. A cela s’ajoute le fait que très peu a été fait en région wallonne en matière d’énergie au cours de cette législature. Or des dossiers capitaux sont à traiter rapidement et intelligemment, à savoir:
1. Comment faire en sorte que les réseaux de distribution deviennent Smart ? Rien n’a été vraiment fait dans ce domaine depuis que cette nouvelle législature est en place et les initiatives des gestionnaires des réseaux de distribution sont trop souvent cassées par le politique ou la CWAPE, le régulateur, ou plutôt le castrateur de toute initiative moderne dans ce domaine.
2. Comment venir avec une nouvelle tarification intelligente pour les réseaux de distribution ? Un décret tarifaire a été voté mais il donne bien trop de pouvoir à la CWAPE, ce qui me laisse prédire le pire. Il marque aussi une énorme fuite de responsabilité du politique dans ce domaine qui préfère se retrancher derrière le régulateur plutôt que d’assumer des décisions non populaires, comme par exemple l’augmentation de la contribution au réseau de distribution pour les propriétaires de panneaux photovoltaïques.
3. Quel sera le futur des micro-réseaux en Wallonie ? Ici encore la CWAPE et le monde politique ne comprennent pas qu’il est important de favoriser leur émergence. Ils préfèrent jouer la carte du passé et les interdire ( Pardon pas les interdire, venir avec un texte juridique avec des conditions tellement restrictives pour qu’ils soient autorisés, qu’elles ne peuvent jamais être satisfaites). On fait comme si rien ne changeait dans le secteur de l’énergie, on garde la même structure organisationnelle pour les réseaux et on se retranche derrière des textes de loi européens – que l’on interprète mal – pour éviter toute critique. Et au final, cela appauvrira terriblement les citoyens et nos entreprises.
4. Quid des véhicules électriques ? Le dossier n’avance pas. On est toujours dans l’hypothèse fausse que cette filière n’a pas d’avenir alors qu’elle est en plein essor. Et rien n’est fait pour adapter notre infrastructure énergétique à l’arrivée massive de ces véhicules, ce qui freinera l’émergence de cette filière. On préfère sans doute des villes polluées où la qualité de l’air est responsable de nombreuses morts.
5. Qui sera le prochain président de la CWAPE ? La position sera vacante à partir du premier février. Est ce que l’on va assister à une nomination politique et/ou est ce qu’un haut fonctionnaire va se faire parachuter dans ce poste ? Je le dis avec force: il faut pour ce dernier quelqu’un ayant une expérience industrielle forte, pas un produit de l’administration ou quelqu’un ayant passé sa vie dans le domaine de la régulation ou de la politique. Les acteurs du secteur de l’énergie trouvent que la CWAPE est actuellement complètement en déphasage avec la réalité du terrain et rétrograde. Je partage leur avis. Il faut avoir quelqu’un de moderne qui connait l’industrie.
6. Et quid d’un cadre éolien wallon stable ? Le développement de l’éolien wallon est entravé par l’absence d’un cadre juridique stable et efficace. Bon d’accord ce n’était pas la responsabilité de Paul Furlan de venir avec un tel cadre mais bien celle du ministre Carlo Di Antonio. Mais, le fait que la compétence énergie que Furlan avait risque de facto d’être mise au placard jusqu’en 2019 ne va certainement pas aider.
9. Jeter l’éponge pour le projet de la grande centrale biomasse. Le cabinet Furlan avait été prévenu par de nombreuses associations écologiques – et par moi même – que son projet de grande centrale biomasse n’avait pas de sens. Il s’est entêté de manière incompréhensible et a quand même décidé de lancer un appel d’offre pour la construction d’une telle centrale. Mais, sursaut de raison de la part de l’Europe fin 2016 ! Elle interdit la subsidiation de grosses centrales biomasse, or sans subsides – on parlait quand même ici d’un milliard sur la durée de vie de la centrale – le projet est économiquement non viable. Néanmoins le gouvernement wallon n’a pas encore officiellement jeté l’éponge et cherche toujours à sauver son projet. Sans doute parce qu’une intercommunale du Hainaut a remis une offre avec un partenaire industriel. Décidément, on parle beaucoup des intercommunales ces derniers temps.
Finalement, on préfèrerait peut- être avoir de bonnes grosses centrales au charbon en Wallonie.
Hélas, Damien, c’est bien ce qui risque de se passer, alors qu’on a déjà du retard et qu’on a besoin de fédérer toutes les énergies pour entamer seulement la transition. Une fois de plus, on va rater le coche, restera aux citoyens de se mobiliser et de mobiliser leur énergie et leur épargne pour se regrouper et avancer malgré l’absence d’un cadre juridique clair et sûr!
Félicitations pour ton avis sans langue de bois!
Qu’on refédéralise la compétence. La Région n’a rien à faire dans le jeu de quilles et ne traite (mal) la compétence dans le meilleur des cas comme la 5ème roue de leur cabinet ministériel, dans le pire des cas comme le papier collant du capitaine Haddock.
Je ne suis pas certain qu’une politique fédérale en cette matière serait salutaire pour la Wallonie, malheureusement…
J’avoue que j’ai de moins envie d’aller voter, c’est tout un système qui est malade, je ne me sens pas en démocratie. Au moins aux Etats Unis, ça a le mérite d’être clair…
Comment tous ces systèmes de contrôle de prix équitables et tous ces experts ont laissé les prix de la distribution explosé de façon anormale ?!
Mr. Ernst, votre question sur la politique énergétique de la Wallonie est tout à fait pertinente. Mais, en tant que scientifique, spécialisé dans le domaine du CO2, beaucoup de vos remarques doivent être nuancées de mon point de vue.
Tout d’abord, pour l’éolien, il s’agit avant tout d’un business ultra-juteux alimentés par les certificats verts. Le coût d’implantation d’une éolienne de 3.4MW avoisine 3 millions mais les promoteurs en récupèrent 5 millions en 15 ans uniquement sous forme de certificats verts. Cette filière est ultra et trop subsidiée et promet un retour sur investissement de 150% en 15 ans sans compter le prix de revente de l’électricité. Cette technologie n’a rien d’écologique et ne permettra en rien de diminuer les émissions de CO2, que du contraire, cette technique va accentuer le réchauffement climatique. Ce n’est parce qu’une source d’énergie est verte que le procédé dans son ensemble l’est. Toutes les analyses de cycles de vie pour démontrer le caractère environnemental bénéfique de l’éolien par exemple sont grossièrement faussées par le résultats à obtenir car elles ne tiennent pas compte du mix énergétique actuel qui comprend +/- 50% de nucléaire, ni des déplacements d’impact. Elles font l’hypothèse que l’énergie est produite à 100% au départ de ressources fossiles. Le meilleur exemple sont les références citées dans l’EIE relative à l’élaboration du cadre éolien. Je m’explique, la politique énergétique impose la sortie du nucléaire qui produit 32g de CO2/MW. Aujourd’hui, le productible du renouvelable reste médiocre et doit être compensé par des centrales au gaz ou au charbon. Pour 1000 MW nucléaire, on produit donc 32kg de CO2. Pour une combinaison éolien on-shore (taux de charge moyen de 21% calculé au départ des données fournies sur le site d’Elia, émissions de CO2 = 21 g/MW) + centrale TGV (79% de la production, émission de CO2 > 200g/MW), on arrive à un total supérieur à 160 kg de CO2 –> aujourd’hui, investir dans cette technologie est un non sens écologique d’un point de vue climatique. D’ailleurs la capacité de production du photovoltaïque cumulée à celle de l’éolien égale la capacité de production du nucléaire mais ces technologies n’assurent en moyenne qu’entre 8 et 12 % de nos besoins (pour 50 -55% pour le nucléaire). Je conçois que la gestion des déchets nucléaires est un problème mais la fabrication d’une éolienne induit le rejet de plus de 2 tonnes de déchets radioactifs en raison de l’utilisation des terres rares pour la fabrication des aimants. Un comble vu que la purification de ces terres rares ne se fait uniquement qu’en Asie et que ces déchets radioactifs sont stockés dans des lacs artificiels voir rejetés dans le fleuve jaune…(cf revue athéna éditée par la Région Wallonne)
L’éolien et le renouvelable sont loin d’être des sources d’énergie peu coûteuses. Non pas 82 euros/MW pour l’éolien on-shore comme démontré par le Pr Bréchet de l’UCL pour l’éolien on-shore, mais 5 fois plus car son étude ne tient pas compte du taux de charge moyen de 21% mais considère un taux de charge de 100%. D’autre part, investir dans le renouvelable implique le développement de solutions pour stocker l’énergie. Ces coûts de recherche ne sont pas intégrés dans le coût du renouvelable mais sont un conséquence directe de cette politique énergétique. Un projet pilote d’atoll pour le stockage de l’électricité produite au départ d’éoliennes off-shore en mer du nord (projet abandonné) présentait un coût pharaonique de 800 millions d’euros.
Enfin, comment ne pas s’offusquer de la politique de l’Allemagne à l’encontre de la Belgique (Idem pour les Pays-Bas). Les Allemands savent que grace à l’interconnexion Aix – Lixhes (cf projet alegro), ils ont l’opportunité de nous vendre de l’électricité de pointe (à plus de 600 euros/MW). En imposant la fermeture de nos centrales nucléaires, (via la pression des communes frontalières et de lobbies écologistes allemands, voir d’Ecolo) stratégiquement, il y a une opportunité financière monstrueuse pour nos voisins de nous vendre de l’électricité produite au départ d’une de leurs centrales à … lignite ultra-polluantes. Cette opportunité financière est même double puisque les fabricants d’éoliennes sont principalement Allemands. Pour preuve, tous les soirs 3 ou 6 camions passent sur l’autoroute Aix-Liège.
Si vraiment cette technologie doit être déployée en Wallonie, vu le soutien démesuré à cette filière éolienne, vu les difficultés d’implantation de ces machines bruyantes (bruit saccadé à basse fréquence qui est problématique mais ignoré dans les EIE et dans le cadre éolien), vu vos relations avec le monde politique, comment se fait il que vous n’ayez jamais suggéré aux ministres d’identifier des zones propices à l’implantation de fermes d’éoliennes (minimum 50 machines) dans des lieux stratégiques tout en expropriant les riverains. En effet, une réduction de 50% des certificats verts éoliens permettrait d’exproprier des habitations de telle manière à ce que l’opposition vis à vis de la technologie soit faible/nulle et de construire un poste de transformation adapté. Mais réduire le montants des certificats verts, c’est réduire les rentrées potentielles pour la sofico, ilicio, sriw… encore des intercommunales…
Pour la centrale à biomasse, je suis parfaitement de votre avis. Je pense que la centrale des Awirs, initialement alimentée au charbon avait été convertie en centrale aux pellets et avait servi de pompe à fric (via les certificats verts) auprès de la région. Ils veulent répéter la même erreur? Maintenant si une intercommunale entre dans le jeu pour un projet pilote, on comprend aisément que ce projet verra le jour tout simplement pour amasser une manne financière de certificats verts. D’autre part, ne faudrait il pas également se soucier de l’approvisionnement en biomasse? Abattre des arbres, les meilleurs puits à carbones…? Et ou les trouvera t-on, comment pourra t-on parler de développement durable? quid de la préservation des sols pour assurer nos besoins alimentaires?
Enfin, en ce qui concerne les véhicules électriques, cette solution est a proscrire à on sens. Il faut rester réaliste. A l’horizon 2020-2030, il n’y aura pas d’alternative renouvelable crédible pour remplacer le nucléaire. Dès lors, au vu de la taille du parc automobile a t-on réellement une idée de la production électrique nécessaire pour alimenter 10, 20, 50 % de nos véhicules? Quid de la production des batteries. Comment va t-on produire toute cette énergie et qui de l’autonomie des véhicules? Renault se vante d’une autonomie de 400 km mais des tests réalisés ont montré que l’autonomie réelle était inférieure à 200km. Cela restera à mon sens un marché de niche dans le futur proche (d’ici 2030) pour les véhicules urbains, les batteries restant trop peu performantes malgré l’évolution du secteur.
Vous parlez de pollution de nos villes à juste titre due aux véhicules, vous préconisez les véhicules électriques comme solution mais cette transition sera lente et son impact très limité. C’est tout le modèle économique de notre société qui est à revoir, toutes les entreprises délocalisent dans les pays de l’est, l’axe autoroutier Aix Liège par exemple est saturé de camions (1200 camions/h). imaginez la quantité de particules fines produites par ces véhicules sur lesquels nous n’auront aucun impact, imaginez aussi que la pollution aux particules fines que nous avons subie était principalement due au fonctionnement des centrales au charbon allemandes qui ont pris le relais du renouvelables pour assurer les besoins de nos voisins, imaginez les efforts en terme d’efficacité énergétique des habitations, des biens publics…
Si on veut une transition écologique et énergétique crédible et rapide, je pense que le gouvernement adopte une mauvaise stratégie et a inversé les priorités. Il faut prioritairement donner les moyens et éduquer les gens pour qu’ils changent leur mode de consommation, pour isoler leur biens immobiliers… de manière à diminuer drastiquement nos besoins en énergie. Une fois cet investissement réalisé, alors on pourra songer aux énergies renouvelables. Cette approche présente plusieurs avantages comme une diminution du nombre d’éoliennes, panneaux photo, centrales à biomasse… à construire ce qui entrainera une diminution significative du coût de soutient à l’énergie renouvelable et des projets de stockage de l’énergie tout en investissant dans la future génération d’éoliennes, panneaux photovoltaïques aux performances améliorées dont le prix d’achat sera inférieur.
Au plaisir d’en débattre avec vous.
Bonjour,
J’attends, comme vous, une réponse de Damien Ernst.
J’aimerais cependant faire avancer le débat et voulait savoir si Jean-Marcc Jancovici n’est pas plus crédible ?
J’ai hâte de voir l’avis de Damien Ernst
Pourtant on s’en sort très bien … http://www.electricitymap.org/
Quand on voit ce que les allemands ont investis et qu’ils veulent que nous fermions nos centrales nucléaires !
Je pense que ce sont ces dernières qui peuvent nous sortir des émissions de CO2 le plus rapidement et qu’il faut , à défaut d’hydraulique, y investir en priorité et diminuer notre train de vie. Les chiffres, la physique et les résultats sont là, le reste c’est de l’émotionnel.