#coronovirus #statégieUK
Disclaimer: ce post n’est pas écrit par un épidémiologiste mais par un scientifique travaillant dans le domaine de la prise de décision par machines qui essaie juste de rationaliser la stratégie anglaise de gestion de la crise du coronavirus et de la discuter de manière critique.
Beaucoup de personnes se demandent pourquoi la Grande-Bretagne semble ne « rien » faire contre le coronavirus. Je vais tenter de vous expliquer au travers de ce post pourquoi cette stratégie pourrait avoir du sens, même si elle est terriblement risquée.
Mais revenons tout d’abord sur la stratégie des autres pays pour lutter contre le coronavirus. Elle vise à imposer des mesures de distanciation sociale strictes pour lutter contre la propagation de ce dernier. Le meilleur exemple en est la Chine qui a imposé les mesures les plus strictes : obligation de rester chez soi dans les régions les plus risquées sauf pour aller faire les courses (une personne par ménage), port du masque obligatoire, fermeture des écoles, fermeture de tous les magasins hors ceux qui vendent de l’alimentation, etc. Et cela semble avoir été terriblement efficace en Chine qui a su réduire à quasi zéro le nombre de nouvelles infections au coronavirus. Mais le gros problème avec une telle stratégie est que finalement un très faible pourcentage de la population sera immunisé contre le coronovirus dès que l’épidémie semblera être sous contrôle. Dès lors, dès qu’une nouvelle contamination se présentera, l’épidémie pourrait à nouveau flamber, ce qui nécessitera de prendre à nouveau des mesures de distanciation sociale très fortes. On peut néanmoins espérer qu’elles ne conduiront pas à un nouveau lockdown de pays, vu que ceux-ci auront sans doute développé des expertises et des politiques suffisantes pour endiguer très tôt de nouvelles contaminations.
La solution diamétralement opposée à la solution chinoise viserait à ne prendre aucune mesure de distanciation sociale au sein de la population. Mais dans un tel contexte, les hôpitaux seraient très clairement dépassés et de nombreuses personnes, surtout les personnes âgées mourraient, surtout faute de soins appropriés. Et même avec des soins appropriés, le taux de mortalité des personnes âgées infectées par le coronavirus reste fort élevé. La stratégie anglaise ne consiste pas à ne rien faire mais plutôt à réaliser une sorte de lockdown (confinement) partiel visant les personnes âgées qui sont les plus à risque de développer des complications. Avec une telle stratégie, la population non âgée développerait plus rapidement une immunité au coronovirus, sans conséquences sanitaires extrêmement graves. Et une fois cette population immunisée en grande partie, le lockdown sur les personnes âgées pourrait être relâché. Le risque que l’épidémie flambe dans cette partie de la population serait dès lors moindre car la partie moins âgée de la population, ayant déjà été largement exposée au coronavirus, n’agirait plus comme un vecteur de transmission de la maladie.
Sur papier, la stratégie peut sembler avoir du sens, et pourrait limiter grandement les dégâts économiques liés à un lockdown complet d’un pays, qui devra avoir lieu pendant une longue période de temps et se répéter sans doute plusieurs fois, en tous les cas de manière partielle. Mais cette stratégie est également extrêmement risquée. Pourquoi ? Premièrement, car il n’est pas du tout certain que réaliser un confinement de seul une population à risque puisse dans les faits limiter la propagation de la maladie au sein de cette population. De plus, n’oublions pas que des personnes peu âgées ont également développé des complications très graves suite à une infection au coronavirus et en sont même décédées. Une autre raison aussi qui pourrait faire de cette stratégie anglaise quelque chose de très risqué est que l’on ne connait pas encore le seuil de l’immunité grégaire du coronavirus, c’est à dire le pourcentage de la population immunisée par vaccin ou par contact avec la maladie qu’il faut atteindre pour éviter sa propagation. Pour la polio ce seuil se situe par exemple entre 80 et 86%. Est-ce que ce seuil atteint serait suffisant pour éviter une propagation de l’épidémie dans une population âgée, même si le reste de la population était largement immunisée ? Rien n’est moins sûr. Mais le seuil atteint pourrait en tous les cas être suffisant pour freiner suffisamment la propagation de l’épidémie au sein de cette population âgée et faire en sorte que le système médical ne soit pas dépassé. Des questions se posent aussi quant à la durée de l’immunité acquise lorsque l’on rentre en contact avec la maladie, surtout dans un contexte où l’on ne connait pas encore très bien la manière dont le virus évolue avec le temps. Enfin, la solution anglaise perdrait complètement de son sens si l’on arrivait à développer rapidement un vaccin contre le coronavirus. Mais, malheureusement, on ne doit sans doute pas espérer un vaccin opérationnel avant 2021.
Je termine ce post en pointant vers un autre article, très intéressant à lire, et décriant fortement la stratégie anglaise.
Excellente analyse.
Le principe de « herd immunity » (immunité de troupeau) cher aux britanniques est en effet une observation ancienne et, comme son nom l’indique, vétérinaire au départ. Il n’est en effet pas nécessaire que tout le troupeau soit immunisé pour que l’épidémie qui s’y développe s’arrête. Cela s’applique également aux populations humaines. Lorsqu’une population humaine est isolée (insulaire par exemple, et pour autant qu’elle contrôle les entrées et sorties, elle est assimilable à un troupeau d’animaux et on peut observer le phénomène en temps réel.
Le problème est que séquestrer une partie bien définie de la population revient à la sortir du « troupeau » et tenter de la maintenir complètement isolée, ce qui est difficilement concevable lorsque, dans le « troupeau » se trouvent des gens dont on ne sait pas s’ils sont porteurs ou non et qui doivent apporter des soins aux « reclus ». Un vrai casse-tête…
Cela peut marcher mais c’est une expérience audacieuse et effectivement risquée.
A suivre de près…
Et j’oublie de dire ceci: j’ai 72 ans, je pense être en bonne santé, je n’ai jamais fumé et je n’ai pas connaissance d’une faiblesse respiratoire particulière.
Si on appliquait la méthode British, me mettrait-on dans cette quarantaine si je ne demande pas à y aller ?
Le risque est aussi dans l’incapacité de définir avec précision la population à risque !
Pardon de revenir une troisième fois sur le sujet mais je réalise que je n’ai pas développé l’objection majeure…
En fait, l’erreur potentiellement dramatique est de vouloir appliquer la notion de « herd immunity », qui fut observée et comprise lors des campagnes de vaccination de troupeaux, à l’infection naturelle par le virus. La vaccination n’a pas besoin d’être appliquée à tous le troupeau pour enrayer l’épidémie.
La vaccin immunise SANS RENDRE MALADE et SANS PROPAGER L’INFECTION.
Par contre, dans le cas de la « stratégie » qui nous occupe, il s’agirait de laisser se créer une immunité par l’infection naturelle, donc par le VIRUS VIVANT ET VIRULENT, et de laisser courir la contagion à son maximum.
Espérer qu’une population à risque sélectionnée puisse d’une quelconque manière échapper à la contamination est tout simplement d’une inconscience inexcusable.
Le contre-argument à cette stratégie qu’on ne peut qu’espérer voir rapidement abandonnée pour le bien du peuple britannique, est très bien expliqué dans cet article: https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/15/epidemiologist-britain-herd-immunity-coronavirus-covid-19?CMP=Share_iOSApp_Other
Ils font marche arrière.
https://www.buzzfeed.com/alexwickham/coronavirus-uk-strategy-deaths