Ces langues qui disparaissent…

Chronique du 11 juin 2012, RTBF/La Première

La semaine dernière, la Commission européenne a publié ses recommandations aux 27 États membres. Scandale chez les journalistes français.

L’objet de leur courroux ne portait pas sur le fond, sur la politique budgétaire de la Commission ou une déclaration de Monsieur Barroso, mais parce que les recommandations de la Commission ont été communiquées en anglais exclusivement.

Vendredi, sur vos antennes, mon collègue de l’ULG, Jean-Marie Klinkenberg, se désolait du double discours de l’Union européenne qui prétend promouvoir la diversité linguistique au sein de l’Europe mais qui, au quotidien, privilégie systématiquement l’anglais.

Et face à l’hégémonie de l’anglais, le français n’est pas le plus à plaindre, même s’il perd progressivement son statut de langue internationale. Mais savez-vous que sur les 6 000 langues parlées dans le monde actuellement, 3 000 sont menacées de disparaître d’ici la fin du siècle. Une langue disparaît tous les 15 jours dans le monde. 200 langues ne sont actuellement plus parlées que par 10 personnes.

Car les choses vont très vite. Même si une langue est encore parlée, imaginons, par 100 000 personnes, si les plus jeunes ne la parlent pas, elle est virtuellement morte. Quand j’étais enfant, dans les années ‘60 et ‘70, j’entendais tous les jours parler wallon à Liège, chez ma grand-mère, en rue, dans l’autobus, dans les magasins. Mais je ne le parlais pas, ni aucun d’ailleurs de mes camarades dans la cour de récréation. En une génération, le wallon a presque complètement disparu.

Il n’y a donc pas que la biodiversité, mais aussi l’ethno-diversité, qui est menacée. Et soyons de bon compte : le français ne risque rien, pas plus d’ailleurs que le néerlandais. Ce sont les milliers de petites langues en Inde, en Chine, en Afrique, qui sont aujourd’hui menacées, et avec elles, autant de manières de penser, de rêver, d’imaginer.

Parce que ce qui disparait avec une langue, ce n’est pas seulement un vocabulaire, une grammaire, c’est une philosophie, un savoir, des saveurs ; c’est tout un monde en vérité. Alors, que peut-on faire ? Inutile de cultiver le repli, en dissuadant les jeunes d’apprendre les langues dominantes, car la connaissance des langues dominantes, c’est pour eux une question de survie. C’est ce qui leur permet d’évoluer socialement.

Par contre, ce qui serait de bonne écologie culturelle, c’est de favoriser le multilinguisme. N’importe quel enfant est capable d’apprendre 2,3 langues sans problèmes, comme le prouvent les écoles en immersion. C’est ce que préconise l’UNESCO, c’est sauvegarder l’usage et l’enseignement des langues minoritaires à côté des langues dominantes.

Mais il n’y a pas de quoi être optimiste. La preuve : sur le site même de l’UNESCO dédié à la défense de la diversité culturelle. En haut de la page intitulée  » cartographie des langues menacées « , vous lisez (tenez-vous bien) :  » le texte suivant n’est malheureusement pas disponible en français « . Il ne l’est que dans une seule langue : l’anglais évidemment, comme la Commission européenne qui explique en anglais exclusivement que la préservation de la préservation de la diversité linguistique est une priorité de l’Europe.

 

29 janvier 2014|Chroniques & Opinions|