Entre le 7 et le 11 janvier, on assista en France – et dans tout le monde occidental – à l’union sacrée pour la liberté d’expression et contre le fanatisme. Que reste-t-il, à peine cinq mois plus tard, de cette communion autour de Charlie-Hebdo et de ses martyrs ? Bien peu de choses … Mais faut-il vraiment s’en désoler ?
Car derrière l’unanimisme de façade, que d’hypocrisies et de soutiens malsains (Netanyahou, Poutine, le Pape François, et tant d’autres) qu’il fallait dénoncer. Comme il fallait aussi dénoncer la transformation subreptice de l’union sacrée en union nationale, et de celle-ci en nouvelle croisade antimusulmane. Comme il fallait aussi rappeler qu’à côté de journalistes qu’on assassine, il y a aussi en Europe des millions de jeunes de banlieue victimes du chômage, des discriminations et des violences policières. Il était sain, finalement, qu’après le ralliement à « Je suis Charlie », l’on ait aussi entendu des « Je ne suis pas Charlie » qui nous rappellent que la démocratie, ce n’est pas le consensus mais le dissensus, ou pour le dire de façon plus dialectique, que ce qui fait communauté en démocratie, c’est la division, le conflit …
Ce qu’il faut déplorer, par contre, c’est que les tragédies de Paris et de Copenhague n’aient pas été l’occasion, pour ceux qui débattent de la démocratie, de remettre en question leurs certitudes et leurs évidences. Au contraire, dès la stupéfaction passée, chaque « camp » s’est trouvé comme conforté dans sa position et son opposition au camp d’en face – qu’il s’agisse du camp « républicain » qui défend les acquis de la sécularisation (la relégation la religion dans la sphère privée) et une vision assimilationniste de la citoyenneté et de la laïcité, ou du camp « multiculturaliste » qui plaide à l’inverse pour la reconnaissance des communautés ethnoculturelles et/ou religieuses et exige que l’Etat garantisse leur visibilité dans l’espace public.
Chacun prétend incarner le véritable universalisme, accusant son adversaire de le défigurer : les « républicains » pointent la dérive communautariste du multiculturalisme, et son relativisme aveugle, voire complice, face à l’islamisme ; inversement, les multiculturalistes accusent le « républicanisme » de nier les différences et, ce faisant, de légitimer l’ethnocentrisme de la société dominante.
Après le 7 janvier, on aurait pu espérer que chacun reconnaisse les limites de son discours :
- le républicanisme, qu’il s’interroge sur le sentiment d’humiliation éprouvé par une partie de la population musulmane qui se trouve aussi être, en Europe, en majorité, une population précarisée et discriminée ;
- le multiculturalisme, qu’il admette la montée en puissance, au sein de ces mêmes populations, d’un anti-laïcisme et d’un antisémitisme de plus en plus virulents.
Las, ce sont les plus radicaux de chaque champ, au contraire, qui ont fait entendre leurs voix : d’un côté, on a entendu que les attentats étaient un nouvel épisode du conflit civilisationnel entre un Occident démocratique et sécularisé et un Orient archaïque et intégriste ; en face, on a dénoncé l’arrogance de l’Occident envers l’islam, et le traitement « deux poids deux mesures » de Dieudonné par rapport à Charlie-Hebdo.
Je ne me reconnais dans aucun de ces discours républicain ou multiculturaliste. Par-delà cette opposition stérile, je cherche les conditions d’une démocratie qui soit à la fois radicale (et radicalement dé-théologisée, ou si l’on veut laïque) et respectueuse des différences (y compris des différences religieuses). D’une opposition destructrice du lien social, il faut faire une tension féconde. C’est dans cette perspective que je voudrais m’interroger, à partir de « l’affaire Charlie », sur la liberté d’expression.
Dans ce débat, il faut distinguer deux niveaux : le niveau juridique, qui concerne le cadre légal où s’exerce la liberté d’expression, et le niveau éthique, qui concerne notre comportement personnel (la façon dont nous usons de cette liberté). Je parlerai essentiellement du premier niveau (juridique), tant les termes du débat me paraissent mal posés par les protagonistes de tous bords. Je n’aborderai le niveau éthique qu’en guise de conclusion.
Sur le plan juridique, il est avant tout nécessaire d’arracher la question de la liberté d’expression au cadre idéologique imposé par le libéralisme. Ce qui caractérise une idéologie, ce n’est pas qu’elle cherche à imposer un point de vue face à un autre, mais qu’elle fixe par avance, sur le mode de l’évidence, comment la question doit être posée et ce dont il est pertinent de parler ou non.
Première « évidence » : il y aurait autour de la question de la liberté d’expression, d’un côté, les conformistes (comme moi) pétris de bonnes intentions, apôtres benêts du « politiquement correct » ; de l’autre les sentinelles héroïques de la liberté, à contre-courant de la bien-pensance, qui oseraient dire tout haut ce que les autres pensent tout bas sur l’islam, les immigrés, la délinquance dans les quartiers, etc.
Deuxième « évidence » : la mise à l’écart, la forclusion de toutes sortes de questions dont on a silencieusement décrété qu’elles étaient sans rapport avec la question de la liberté d’expression : forclose, par exemple, la question de la liberté d’expression des travailleurs dans les entreprises – des atteintes aux libertés syndicales ou au droit de grève, mais aussi des techniques de management et de contrôle qui interdisent aux employés de s’exprimer sur la qualité de ce qu’ils font, sur les menaces d’hygiène ou de sécurité que font peser des objectifs de rendement aberrants[1] ; forclose également la question de la liberté d’expression des malades mentaux, celle des détenus, des migrants en situation irrégulière, des précaires, etc. – bref de tous ceux à qui est souvent déniée la capacité même de penser, de parler, d’écrire. Tous ces importuns, nul ne songe à les intégrer au débat. L’islam, le blasphème, c’est tellement plus important …
Troisième « évidence » (dont la déconstruction est la plus nécessaire, car tout le reste en découle) : la liberté d’expression se poserait naturellement en termes de « limites » : « jusqu’où peut-on penser, parler, écrire librement ? ». Cette évidence découle des prémisses de l’idéologie libérale, qui assimile liberté et propriété : je suis libre en tant que je suis propriétaire – de mon corps, de mes biens, et donc aussi des pensées et des paroles que j’ai « librement » produites. La liberté se conçoit ici comme non-interférence (ce que I. Berlin appelle la « liberté négative »[2]) : ni autrui ni l’Etat ne peuvent interférer dans ma sphère d’actions, et réciproquement : « ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui ». De ces prémisses, il découle que dans l’ordre physique des corps et des actions, il faut bien poser des limites, des règles du jeu minimales (le fameux code de la route cher aux libéraux) ; mais que dans l’ordre des pensées et des paroles, il n’y a pas à proprement parler de limites, puisque pensées et paroles n’interfèrent pas dans la sphère d’autrui – sauf à le choquer ou le blesser sur le plan psychique (mais précisément pour un « vrai » libéral, c’est un désagrément qu’il faut accepter de souffrir). Cette conception étriquée de la « liberté négative »[3] est basée sur une opposition métaphysique douteuse entre le corps et l’esprit (l’esprit serait le siège souverain de notre volonté et nos représentations, et le corps, son instrument en même temps que sa propriété) ; mais surtout elle induit « l’évidence » que toute « limite » à la liberté d’exprimer ses idées et ses opinions est une limite à l’être humain en tant que tel …
Cette façon de poser le problème est une construction idéologique. Car si le libéralisme s’obnubile sur la question des limites de la liberté, c’est pour ne pas avoir à poser la question de ses conditions de possibilité, qui la conduirait à un examen critique des conditions historiques dans lesquelles nous vivons : celles du marché capitaliste, des inégalités sociales structurelles, des formes de domination et d’idéologie qui les reproduisent, etc. Pour ne pas avoir à se demander « à quelles conditions la liberté d’expression est possible », on se demande « quelles en sont les limites » – en entretenant la fiction que tout le monde (patrons ou ouvriers, cadres ou jeunes des « quartiers ») se trouvait « naturellement » dans les mêmes conditions de s’exprimer librement !
La question philosophique et politique pertinente est donc celle des conditions de la liberté d’expression, et non celle de ses limites. En vérité, cette question de soi-disant « limites » à la liberté d’expression ne concerne pas le droit, mais la création : c’est le travail des artistes, écrivains, penseurs, de faire l’expérience des limites (ou l’expérience-limite) de ce qu’il est possible de dire, montrer, représenter. Pour le reste, rien n’est sacré, aucun fondement religieux, moral ou autre ne s’impose à l’expression d’idées ou d’opinions. Toutes doivent pouvoir être pensées et communiquées. La véritable question est : quelles sont les conditions pour que cette liberté d’expression radicale soit une liberté effective pour tous – pour l’athée comme le croyant, l’employé comme l’employeur, l’allochtone comme l’autochtone, le fou comme le sain d’esprit, le chômeur comme le Professeur d’Université, etc. ?
Quelles sont les conditions de possibilité (et donc, en négatif, les conditions d’impossibilité) de la liberté d’expression ? Telle est la vraie question. A y regarder attentivement, ces conditions sont au nombre de deux :
- la première condition de la liberté est l’égalité (donc la première condition d’impossibilité de la liberté, c’est l’inégalité ou la discrimination). Il est conceptuellement absurde de dissocier liberté et égalité : en effet, je ne peux pas être libre de discriminer ou d’assujettir autrui, sinon ma liberté est pour lui non-liberté, ce qui est contradictoire. Symétriquement, l’égalité n’est rien d’autre que la liberté : l’égalité femme-homme, c’est la libération de la femme de la domination masculine. L’égalité, c’est la réalisation de la liberté. Poser la question de la liberté d’expression, c’est poser la question de l’égalité de parole, du droit égal à s’exprimer, de l’accès égal aux espaces d’expression. Prétendre défendre la liberté d’expression et tolérer, par exemple, qu’un employeur puisse discriminer telle catégorie de travailleurs est parfaitement incohérent ;
- la seconde condition de la liberté, c’est la non-violence. La liberté d’expression est une liberté de rapport, de communication (dans le désert, je n’ai aucune liberté de m’exprimer), que la violence (physique et psychique) rend impossible. J’appelle « civilité » [4] non pas la non-violence (une pure absence de violence dans les relations humaines est impossible), mais la moindre violence. Les règles de la civilité démocratique apparaissent en Europe (vers le XVe, XVIe siècles) en même temps que les individus s’émancipent de leurs « encastrements » dans les statuts et les communautés d’appartenance. La civilité est contemporaine de l’égalisation des conditions. Car à partir du moment où vous vous trouvez face à un individu dont vous ignorez le « rang », voire l’identité, il faut d’autres modes de socialisation que la hiérarchie et l’auctoritas; il faut des codes basés sur une certaine distanciation ou neutralité, indépendamment du statut social ou de la position de pouvoir de la personne rencontrée. Aucune liberté d’expression n’est possible dans un contexte où règnent le magistère, l’intimidation, a fortiori le mensonge, l’insulte, la menace, etc. Un grand nombre des règles de civilité sont intériorisées ou implicites (tel est le sens courant de la « civilité ») ; d’autres sont explicitées dans la législation.
Les deux conditions d’impossibilité de la liberté d’expression sont donc (1) la discrimination qui rend impossible une égale liberté d’expression, (2) la violence ou l’incivilité qui rendent impossible la communication même de ce que je pense.
Les législations anti-discrimination en vigueur en Belgique, loin de constituer quelque forme de limitation de la liberté d’expression, en sont au contraire la condition même de possibilité. Que disent en effet ces législations ?
- qu’il est interdit de discriminer, c’est-à-dire de traiter de façon moins favorable une personne sans « justification objective et raisonnable » : la liberté n’existe que comme égale liberté ;
- que dans le cas de crimes ou de délits (le harcèlement étant, en l’espèce, le plus répandu) commis en raison d’un « mobile abject » (racisme, homophobie, etc.), la peine infligée sera augmentée ;
- qu’il est interdit d’inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination.
Comme on le voit, les dispositions « anti-discriminations » et « antiviolence » touchent précisément aux deux conditions d’égalité et de civilité. L’égale liberté d’expression appelle la non-discrimination d’une part, la moindre violence, d’autre part. Quant à l’interdiction de l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination, elle se distingue des deux autres dispositions en ce qu’elle vise, non pas la relation entre un ego et un autrui, mais l’espace public de communication entre un ego, un autrui et un tiers. Cette « triangulation » est consubstantielle à l’infraction visée ici. Il s’agit donc bien d’une disposition qui, comme les deux autres, rend possible la liberté d’expression – qui, pour le dire autrement, ne la « limite » que dans la mesure où elle la conditionne.
On fait donc une erreur grossière en envisageant ces législations comme une manière de limiter l’expression d’idées ou d’opinions qui seraient « trop » dérangeantes, comme s’il s’agissait d’une question de « contenu » de pensée ou de parole. Comme si la question était : quels types de discours faut-il exclure de l’espace public (par exemple le discours de l’extrême-droite, ou de l’extrême-gauche, ou le discours islamiste, ou islamophobe, ou les deux, etc.) ? La plupart des protagonistes, dans quelque « camp » qu’ils se situent, croient que ce qui est en jeu est le tracé de ces opinions « excessives » qui dépasseraient on ne sait quelle limite. Et bien entendu, ce sont les opinions de leurs adversaires que chacun considère comme intolérable … Mais ils se trompent. Beaucoup en dissertent, il est vrai, sans avoir jamais pris connaissance des textes de lois et de la jurisprudence afférente …
Regardons-y quelques minutes. En réalité, ce qui peut faire l’objet de sanctions en Belgique, ce n’est jamais une idée ou une opinion, mais toujours un acte, un comportement. Ce que le juge va examiner, ce n’est pas l’opinion en tant que telle (aussi choquante soit-elle), mais le comportement en quoi consiste ce qui a été dit. Le juge va essayer de déterminer quels étaient (1) l’intention du locuteur et (2) le contexte dans lequel il s’est exprimé. Autrement dit, il va se pencher, non sur la dimension sémantique des propos exprimés (ce qu’il a voulu dire), mais sur leur dimension pragmatique (ce qu’il a voulu faire).
La pragmatique du langage étudie le langage en tant que discours : acte, action. Car tout discours peut être constatif (quand il sert à décrire le monde, à communiquer une opinion, un sentiment sur l’état des choses qui m’entourent), mais il peut aussi être performatif (quand il sert à changer l’état du monde, à modifier, influencer mon environnement). Un performatif, c’est donc quand je fais quelque chose en m’exprimant, « quand dire, c’est faire » : promettre, prêter serment, féliciter, blâmer, ordonner, inciter, mentir, convaincre, etc. Toutes les dispositions juridiques portant sur le discours (diffamation, injure, incitation, publicité mensongère, etc.) portent sur cette dimension pragmatique du langage.
Une incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination est donc un performatif par lequel le locuteur accomplit un certain acte de langage dont l’intention est de faire faire quelque chose (violence, discrimination ou acte de haine) à quelqu’un contre un tiers. Le juge belge (même s’il n’a pas fait une heure de linguistique de sa vie) va distinguer ce qui, dans un discours, relève de sa dimension représentative (l’opinion selon laquelle, par exemple, les « arabes » sont trop nombreux en Belgique, profiteurs, source d’insécurité, etc. – opinion qui, aussi idiote soit-elle, ressortit à la liberté d’expression) et ce qui relève de sa dimension performative (formuler la même opinion dans des tracts assortis de caricatures, de chiffres qu’on sait être faux, de mots d’ordre tels que « On va s’en débarrasser ! », et cela à travers un discours répété, systématique, en ciblant sciemment les quartiers où il y a de fortes tensions entre populations, etc.). C’est cela qui a motivé la condamnation du parti d’extrême-droite flamand Vlaams Blok pour incitation à la haine raciale en 2006 : non pas, comme on le croit, le caractère excessif, « extrémiste » de la propagande, mais la tentative délibérée d’inciter autrui à la violence ou la discrimination envers les « immigrés », et donc de dégrader, de mutiler les conditions d’égalité et de civilité sans lesquelles aucune liberté d’expression n’est possible.
La loi de 1995 pénalisant le négationnisme relève de la même logique pragmatique. Il ne s’agit en rien, comme le dit partout, d’une « loi mémorielle » cherchant à imposer une certaine vérité historique officielle et/ou à protéger la mémoire identitaire de la communauté juive. En fait, le propos négationniste ajoute au « simple » antisémitisme un élément pragmatique spécifique : l’allégation, avec mauvaise foi, de faits erronés (ce qui relève à l’évidence du performatif). On peut le comparer au cas d’un individu criant « Au feu ! » dans une salle bondée dans l’intention de créer un mouvement de panique. Un énoncé proféré dans ces conditions n’a évidemment pas de rapport avec la liberté d’expression, et tout le monde conviendra que cet individu doit être sanctionné. Or, dans ce cas-ci comme dans celui du discours négationniste, nous avons affaire à un dommage causé par l’allégation fausse d’un fait, procédant d’une intention de nuire évidente[1]. Le négationniste nie la réalité, ou la déforme grossièrement, en simulant le discours historique dans le but d’innocenter le nazisme et d’accuser le peuple juif de mensonge et de falsification. La loi de 1995, loin de menacer la recherche historique, la protège au contraire, en veillant à ce qu’on n’abuse pas d’elle à des fins nuisibles. Aucun historien n’a jamais été condamné ni inquiété ; la jurisprudence fait état de condamnations à l’encontre d’élus ou de militants néo-nazis faisant le salut hitlérien en public, ou suite à la publication de tracts ou de textes de militants d’extrême-droite ou de groupes islamistes radicaux.
Preuve que ceux qui brocardent ces lois n’y comprennent généralement rien : ils se croient souvent malins en épinglant telle ou telle citation « choquante » de Hegel à propos des Africains, de Nietzsche au sujet des femmes, de Marx au sujet des Juifs, ou les innombrables appels à la violence que l’on trouve dans la Bible ou le Coran ; ils demandent alors ironiquement pourquoi tous ces textes ne sont pas interdits. Il s’en trouve même, encore moins malins, pour vouloir vraiment les interdire, comme ceux qui exigent l’interdiction de Tintin au Congo ou du « Père Fouettard ». Ces « exemples » sont frappés de nullité, puisque décontextualisés, donc vidés de toute portée pragmatique. Par contre, si je lance « mort aux Juifs » ou si je menace « pas d’arabes dans ce colloque », je n’énonce aucune opinion à propos des Juifs ou des Arabes : je fais quelque chose, ou plus exactement je fais faire quelque chose à un tiers. Aucun énoncé n’est donc en soi, isolé de son contexte pragmatique, une incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination. Les paroles ne sont passibles de poursuites qu’en tant qu’elles sont des performatifs, et toujours a posteriori : la censure a priori n’est qu’une pratique d’Ancien Régime, étrangère à la logique des lois anti-discriminations et à la pratique d’une institution comme le Centre pour l’égalité des chances en Belgique.
Deuxième argument rituellement opposé aux législations anti-discrimination : elles nous obligeraient à lisser notre langage, car il serait interdit de choquer ou de blesser telle communauté, telle ethnie, telle religion, etc. Sur le plan juridique, c’est tout simplement faux. Comme le dit un arrêt célèbre de la Cour européenne des droits de l’Homme, la liberté d’expression s’étend aux « propos qui blessent, qui choquent ou qui inquiètent autrui ou l’Etat ». Autrement dit, la blessure psychique provoquée par le message dénigrant ou insultant d’un ego sur un autrui n’est pas un critère de sanction. Ce qui est visé par la loi, c’est le comportement de cet ego à l’égard d’un tiers qu’il va inciter à la violence ou à la discrimination envers autrui, et non (je le répète) son attitude morale envers cet autrui même – attitude qui relève de la correction, du respect (on touche alors à la morale, à l’éthique – dont je dirai un mot en conclusion). Mais la confusion des deux plans est un des « grands classiques » de l’argumentaire anti-antiraciste, qui permet d’instiller l’idée que nous vivons sous le terrorisme victimaire des minorités.
Certains opposants aux législations anti-discrimination adoptent alors parfois une position de repli : ils vont admettre qu’on peut sanctionner un acte de langage, mais à la condition que les victimes potentielles soient physiquement présentes au moment de l’énonciation d’un discours de haine. Selon l’exemple classique : lancer « mort aux Juifs » à une foule furieuse en présence de Juifs. Je pense, comme le législateur belge, que cette condition est beaucoup trop restrictive parce que, du fait des moyens modernes de communication (et singulièrement des médias sociaux), il devient impossible de définir ce qu’est « la présence physique de tiers ». Si l’on avait retenu ce critère restrictif, il eût été impossible de faire condamner le groupuscule salafiste Sharia4Belgium (qui opérait principalement via Internet) …
D’ailleurs, le chantier le plus énorme en matière de civilité aujourd’hui, c’est Internet – qu’il s’agisse des forums de discussion, des blogs et sites, des médias sociaux (Facebook et Twitter), des mails « en chaîne », etc. Internet est aujourd’hui une véritable jungle sans aucune règle de civilité, et où les lois anti-discrimination ne sont pas appliquées (alors qu’elles sont théoriquement en vigueur : ce n’est pas parce qu’on se ballade sur Google qu’on est protégé par le « Premier Amendement » de la Constitution américaine … ). L’anonymat permet à un grand nombre d’inciter ouvertement à la haine, la violence et la discrimination (mais aussi de commettre une foule d’autres infractions). Certains ont si peu le sentiment qu’Internet est un espace public qu’ils osent y diffuser des propos qu’ils ne se permettraient pas de tenir sur leur lieu de travail, voire au sein de leur propre famille. Cela montre a contrario ce qui arrive quand aucune règle d’égalité et de civilité ne vient rendre possible et effective une authentique liberté d’expression des opinions et des idées.
Si l’on observe la jurisprudence de ces dernières années, il apparaît que toutes les condamnations pour incitation ou négationnisme portent sur des situations directement pragmatiques de violence : harcèlement téléphonique ; altercation entre un chauffeur et un client ; incitations suivies de coups et blessures de la part d’un groupuscule nazi ; saluts nazis à l’encontre de personnes de couleur dans un tram ; menaces et propos racistes d’un locataire à l’égard de son bailleur ; altercation entre deux femmes dans un hôpital ; harcèlement, coups et injures racistes à l’égard d’une personne de couleur dans une gare ; altercation raciste entre deux membres d’un cabinet ministériel ; affiche homophobe à la devanture d’un magasin ; insultes racistes à l’égard d’un travailleur dans une entreprise de titre-service. Aucun délit de presse ! Aucune personnalité, aucun parti politiques condamnés depuis le procès du Vlaams Blok, à l’exception peut-être du cas (déjà évoqué) de Sharia4Belgium !
Telle est la réalité judiciaire de ce que certains présentent comme une infâme police de la pensée… Mais dans quel cas cité ici peut-on prétendre que quelque pensée, opinion ou parole a été censurée ?
Ce (trop ?) long développement nous permet aussi de comprendre ce qui distingue le cas Charlie du cas Dieudonné – question qui est devenue un locus classicus des débats « post-Charlie ». Dans le camp multiculturaliste, on fait valoir que si Cabu ou Charb peuvent blasphémer l’islam, pourquoi Dieudonné ne pourrait-il pas s’en prendre au sionisme et au Talmud ? Il y aurait « deux poids deux mesures », ce qui trahirait le racisme institutionnel de l’Etat et de ses appareils idéologiques (école, médias, etc.). Dans le camp de l’universalisme laïque, on rétorque que Charlie Hebdo s’attaque à la religion (c’est-à-dire à des représentations : liberté d’expression), tandis que Dieudonné s’en prend aux Juifs (c’est-à-dire à des personnes : incitation à la haine). Mais cet argument est mal ajusté ; il s’expose à l’objection que Charlie aussi attaquait les Musulmans en tant que personnes – si l’on considère que nombre de Musulmans ne dissocient pas leur personne de leur foi, de la relation intime, intériorisée, qui les lie à Allah et son Prophète. Les Juifs devraient donc accepter à leur tour que Dieudonné s’en prenne à ce qui les touche dans leur identité même – la Shoah …
En fait, les protagonistes disputent à un niveau inadéquat du point de vue juridique, celui des propos « qui blessent, qui choquent et qui inquiètent », comme si la question était de savoir qui, de Dieudonné ou de Charlie, est le plus choquant ou le plus blessant. Mais la différence n’est pas là : elle est au niveau pragmatique. Examinons.
Charlie se moque de l’islam et des musulmans, mais n’incite jamais des tiers à la violence contre eux. Sous cet angle, l’esprit Charlie est même empreint de la plus profonde civilité au sens où je l’entends : en se riant de toutes les idéologies, toutes les communautés, tous les pouvoirs, Charlie combat tous les ferments de guerre et d’intolérance. Ces vieux « anars » étaient antimilitaristes, pacifistes militants. Aucun lecteur de Charlie n’a jamais été poussé à se « faire » un Musulman …
Il en va tout autrement de Dieudonné. Mon dernier acte de Directeur du Centre pour l’égalité des chances, en juin 2013, a été de témoigner pour incitation à la haine à l’encontre de Dieudonné, suite à un spectacle donné à Liège en 2012. Lorsque j’ai été informé que ce spectacle était programmé, je n’ai pas cherché à le faire interdire. Je l’ai dit, toute forme de censure a priori doit être évitée. Certes, en Belgique comme en France, il existe toujours la possibilité d’interdire quelque manifestation ou spectacle au titre du « trouble à l’ordre public » (c’est la voie choisie par Manuel Valls, alors Ministre de l’Intérieur, pour interdire un spectacle de Dieudonné à Nantes en février 2014). Mais outre que cette exception aux libertés publiques doit être maniée avec la plus grande circonspection, dans le cas de Dieudonné en Belgique, il n’était pas possible de l’activer, en raison d’un arrêt du Conseil d’Etat de 2011 qui avait cassé une décision d’interdiction d’un spectacle de Dieudonné prise par le Bourgmestre de Saint Josse (Bruxelles). Dès lors, quelle a été la réaction du Centre ? Nous avons travaillé avec la police locale sur les outils de détection de l’incitation à la haine et du négationnisme ; deux policiers ont dressé un procès-verbal détaillé du déroulement du spectacle – qu’ils ont également enregistré. J’ai pu l’écouter dans sa totalité (en qualité de témoin) pour l’analyser.
Quel est le discours de Dieudonné ? (1) L’Occident capitaliste est colonialiste et corrompu ; (2) il domine et exploite les minorités musulmanes, arabes et noires. C’est le « choc des civilisations » de Huntington, mais inversé. Quoi qu’on pense de cette vision du monde, elle n’est pas pénalement répréhensible. Mais Dieudonné soutient explicitement que si l’Occident est colonialiste et corrompu, c’est en raison de la mainmise exercée sur lui (et partant, sur le monde) par les Juifs et les homosexuels – minorités hypocrites, malsaines qui dominent la finance, l’Etat, les médias, et qui ont érigé la Gay Pride et la Shoah en « tabous » qu’il serait interdit de contester. Dieudonné ne propose donc pas seulement aux jeunes issus de l’immigration (qui forment le noyau dur de son public) une « grille de lecture » de leur situation de populations dominées et discriminées ; il les incite à la haine et à la violence contre des communautés dans leur ensemble – Juifs mais aussi homosexuels. En France, Dieudonné a été attaqué en justice à de multiples reprises. Il a aussi attaqué pour diffamation ceux qui le critiquaient, ou lancé contre eux des campagnes infâmes sur Internet (ainsi, contre la chroniqueuse Myriam Leroy). Sur le plan judiciaire, il a été condamné en France à de multiples reprises pour incitation à la haine – « Pour moi, les Juifs, c’est une secte, une escroquerie » (Cassation 2007) ; « Les gros escrocs de la planète, ce sont des Juifs » (2012) ; ceux-ci sont des « négriers », des « trafiquants d’esclaves » (Cour d’Appel de Paris 2007) et pour négationnisme – la commémoration de la Shoah est de la « pornographie mémorielle » (2008) ; la chanson Shoananas ; le signe de reconnaissance entre lui et son public, « la quenelle », salut nazi inversé (emprunté au Docteur Folamour de Stanley Kubrick).
Le show de Dieudonné que j’ai entendu est une insupportable logorrhée antisémite et homophobe de plus d’une heure. En quoi s’agit-il d’incitation à la haine au sens juridique du terme ? Ici, la perspective pragmatique prend tout son sens. On peut discuter à l’infini pour savoir si telle phrase ou telle autre de son spectacle, chacune prise isolément, est antisémite ou homophobe ; ce qui est certain, par contre, c’est que le dispositif pragmatique global de ce « show » incite à la violence. Par exemple, Dieudonné cherche à provoquer, non seulement des rires mais aussi des huées ; on peut également montrer (comme dans le cas du Vlaams Blok) le caractère répétitif et systématique des propos négatifs, insultants, vulgaires envers les Juifs comme envers les homosexuels. Quand on se demande comment prouver l’intention de l’incitation à la haine, on a ici une excellente illustration qu’elle peut être avérée par un ensemble d’éléments contextuels qui, reliés entre eux, indiquent que l’on est dans un tout autre registre que celui de « l’opinion » et/ou de « l’humour » …
Faut-il faire un procès à Dieudonné ? Je mesure les risques d’un procès qui l’érigerait en martyr ; mais je pense qu’à un certain moment, la justice doit intervenir pour protéger les conditions minimales d’égalité et de civilité qui garantissent la liberté d’opinion. Durant deux ans, la justice belge et l’actuelle direction du Centre n’ont pas jugé opportun de donner suite à la constitution de partie civile que j’avais initiée en 2012. Mais à l’instigation du nouveau Procureur du Roi de Liège, un procès est en vue. Je m’en réjouis ; mais je crois qu’il faudra alors, parallèlement à l’action judiciaire, faire preuve de pédagogie pour expliquer pourquoi, entre Charlie et Dieudonné, la différence n’est pas de degré, mais de nature ; pourquoi l’effet pragmatique est inverse :
- l’intention performative de Charlie est de se moquer de toutes les identités, tous les dogmes, tous les pouvoirs ;
- l’intention de Dieudonné est d’inciter son public à la violence contre telle ou telle communauté considérée comme malfaisante.
Ce n’est pas le contenu sémantique des discours qu’il faut juger, mais la façon dont il est inséré dans un certain dispositif pragmatique. Quand Pierre Desproges fait son célèbre sketch qui commence par « on me dit que des Juifs se sont glissés dans la salle », il est évident que la visée performative est de se moquer, non pas des Juifs, mais des antisémites !
On dit souvent que Desproges ne pourrait pas refaire ce sketch aujourd’hui. Sur le plan juridique, je viens de le montrer, c’est faux. Sur le plan éthique, c’est une autre question. L’éthique, c’est la façon dont je vais me comporter personnellement, dont je vais user de ma liberté comme citoyen. Qu’est-ce que Desproges aurait choisi aujourd’hui comme cible de son humour – lui qui était parfaitement conscient de la dimension performative de l’humour (c’est à lui, je le rappelle, que l’on doit la formule : « on peut rire de n’importe quoi, mais pas avec n’importe qui » – qui résume parfaitement la contrainte pragmatique du rire) ? Comment aurait-il abordé l’islam et l’islamisme ? Nul ne le sait, car le contexte d’aujourd’hui n’est plus le même que dans les années 70 et 80. On touche ici certainement au cœur de la tragédie de Charlie-Hebdo.
Dans un très beau texte publié quelques jours après les attentats de Paris, le philosophe Etienne Balibar écrivait ceci :
« Les dessinateurs de Charlie Hebdo ont-ils été imprudents ? Oui, mais le mot a deux sens, plus ou moins aisément démêlables. Mépris du danger, goût du risque, héroïsme si l’on veut. Mais aussi indifférence envers les conséquences éventuellement désastreuses d’une saine provocation : en l’occurrence le sentiment d’humiliation de millions d’hommes déjà stigmatisés, qui les livre aux manipulations de fanatiques organisés. Je crois que Charb et ses camarades ont été imprudents dans les deux sens du terme. Aujourd’hui que cette imprudence leur a coûté la vie, révélant du même coup le danger mortel que court la liberté d’expression, je ne veux penser qu’au premier aspect. Mais pour demain et après-demain (car cette affaire ne sera pas d’un jour), je voudrais bien qu’on réfléchisse à la manière la plus intelligente de gérer le second et sa contradiction avec le premier. Ce ne sera pas nécessairement de la lâcheté ».
La « contradiction » que Balibar thématise ici est celle, bien connue, entre éthique de la conviction et éthique de la responsabilité (opposition forgée par Max Weber)[5] :
- l’éthique de la conviction nous enjoint de ne pas céder sur les principes moraux auxquels nous croyons – ici en l’occurrence : la liberté d’expression, le droit à l’incroyance, à la satire de toute les idoles ;
- l’éthique de la responsabilité, elle, nous commande d’agir en fonction des effets concrets que nos actions peuvent produire – dans un monde global et inégal où les messages circulent en temps réel, où une caricature de Mahomet, qui naguère aurait vu sa diffusion limitée au VIe arrondissement de Paris, se trouve aujourd’hui accessible à des populations du Moyen-Orient ou d’Afrique qui ont un tout autre rapport à l’image et au sacré, et qui sont livrées à l’emprise d’organisations fanatiques[6] … L’éthique de la responsabilité, un journal « bête et méchant » comme Charlie-Hebdo s’en moquait éperdument. Soixante-huitards impénitents, Wolinski, Cabu, Charb jetaient sur le monde un regard d’enfants qui ne veulent pas grandir, qui ne veulent pas devenir responsables[7]. Cette « imprudence » juvénile, c’est ce que nous lecteurs aimions chez eux (et c’était bien tout le contraire de quelque incitation à la haine). Mais cette imprudence, cette innocence, cette irresponsabilité sont-elles encore possibles dans le monde d’aujourd’hui ?
Éthique de la conviction ou éthique de la responsabilité ? Aux yeux de Balibar, il n’y a surtout pas à choisir : nous devons les assumer et l’une et l’autre, dans une tension irréductible. C’est ici que le discours des « républicains » comme celui des « multiculturalistes » sont symétriquement insuffisants :
- les « républicains » font de la liberté de critiquer les religions dans l’espace public, comme de la neutralité de l’Etat, des principes absolus, auxquels il faut adhérer inconditionnellement. Mais ce faisant, ils sous-estiment la violence de la sécularisation et de la laïcité quand elles sont imposées autoritairement à des populations précarisées, discriminées, qui n’ont souvent que leur identité religieuse comme support de leur dignité ;
- les « multiculturalistes », de leur côté, font de la liberté religieuse et de sa visibilité un objectif en soi, dont découlerait naturellement le respect des différences. Mais eux sous-estiment souvent les effets d’autorité et de domination qui s’exercent au sein des communautés religieuses – sur les femmes, les homosexuels, etc. Ils négligent que la religion n’est compatible avec la démocratie que passée au crible de la critique et de la contestation.
Chaque camp est aveugle à ce que l’autre voit. Pourtant, nous devons à la fois dire que la démocratie, c’est la démystification, l’incroyance, l’athéisme, et qu’il faut donner toute sa place dans nos sociétés européennes à un islam moderne – qui incombe aux Musulmans de produire et de faire vivre, mais à « nous » tous d’accepter et de reconnaître[8].
Ni républicain ni multiculturaliste, je plaide pour un universalisme critique, un universalisme de la non-domination[9]. Selon moi, le citoyen n’a pas à être « neutralisé » (objectif des républicains) ni « reconnu » (objectif des multiculturalistes), mais « non-dominé ». Ce principe de non-domination combine un objectif de démarchandisation (protection, reconnaissance) et de désencastrement (sécularisation, égalité de genre, liberté sexuelle etc.). Nous devons rechercher à la fois la solidarité et la singularité, la redistribution et la reconnaissance, selon une dialectique très bien mise au jour par Nancy Fraser[10]. La non-domination, c’est moins de concurrence sur le plan matériel et moins d’identité sur le plan subjectif. Plus d’égalité et plus de civilité, pour arriver à plus de liberté. Comment faire ? Voilà qui ne relève pour le coup ni du juridique ni de l’éthique, mais d’un autre registre qui les croise et les dépasse : le registre politique – vers où nous sommes toujours et irréductiblement reconduits en tant que citoyens et en tant qu’hommes.
[1] Le psychanalyste Christophe Dejours montre le déni de parole où se trouvent de nombreux travailleurs quand ils observent une anomalie de montage, des défectuosités, le cahier des charges ou le planning non remplis, etc., du fait de mécanismes de censure et de surveillance mis en place par un management coupé de toute réalité, obnubilé par les objectifs et les chiffres. Christophe Dejours, Le Facteur humain, coll. Que sais-je ? P.U.F., 2004 ; Travail, usure mentale – De la psychopathologie à la psycho-dynamique du travail, Bayard éditions, 2000.
[2] Isaiah Berlin, « Deux conceptions de la liberté », in Eloge de la liberté (1969), Calmann-Lévy, 1988.
[3] Pour une conception plus large de la liberté (dépassant la « liberté négative » en direction de la « liberté positive » et de la « liberté radicale ») je me permets de renvoyer à Edouard Delruelle, De l’homme et du citoyen. Une introduction à la philosophie politique, De Boeck, 2014.
[4] Cf. N. Elias, La Civilisation des mœurs (1973), trad. P. Kamnitzer, Pocket, 2002 ; La Dynamique de l’Occident, (1975), trad. P. Kamnitzer, Pocket, 2003 ; J-M. Ferry, De la Civilisation. Civilité, Légalité, Publicité, Cerf, 2001 ; et surtout E. Balibar, Violence et civilité, Galilée, 2010.
[5] Cf. également Didier Fassin, « Charlie : éthique de la conviction contre éthique de la responsabilité », Libération, 20 janvier 2015.
[6] Je fais allusion aux protestations anti-« Charlie » qui se multiplièrent dans le monde, notamment au Niger où elles firent 10 morts le 16 janvier 2015.
[7] « Journal irresponsable » est d’ailleurs le sous-titre qui accompagne le 1er numéro sorti après le 7 janvier.
[8] Enjeu qui touche à deux dossiers sur lesquels je travaille beaucoup actuellement : la formation des cadres musulmans et les cours dits « philosophiques ».
[9] Cf. Cécile Laborde, Français, encore un effort pour devenir républicains !, Seuil, 2009.
[10] Nancy Fraser, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, 2005.