Etat social, démocratie et construction européenne. Pour une citoyenneté sociale européenne

Texte paru dans la Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, n°43 – 1er sem. 2016, « Construction européenne », L’Harmattan. Il s’agit du texte d’une communication au colloque de Nice (29-31 janvier 2015) sur les « La construction européenne et ses apories »

 

Après le spectacle écoeurant offert par l’Union européenne à l’occasion de la crise grecque, et alors qu’une étape supplémentaire dans la dérégulation des échanges économiques sera bientôt franchie avec l’adoption du Traité de libre-échange transatlantique, n’est-il pas irréaliste, voire indécent, de se demander s’il existe ou si pourrait exister un jour un « modèle social européen » (MSE) ? Depuis plus de trente ans, la construction européenne organise non pas la convergence mais la concurrence des systèmes sociaux nationaux, conduisant à leur démantèlement plus ou moins brutal. La conclusion de la plupart des observateurs, c’est que l’idée de « modèle social européen » est une contradictio in terminis – que l’on récuse l’idée d’un modèle social européen en faisant valoir que l’Etat social est une construction spécifiquement nationale qui survit non pas grâce mais contre l’intégration européenne, et/ou que l’on récuse l’idée d’un modèle social européen en faisant valoir que l’Etat social, insoutenable financièrement, est devenu inadapté à la globalisation économique.

Je m’inscris en faux contre ces deux postures : (1) si l’Etat social a historiquement coïncidé avec la forme nationale, sa logique profonde est ce que T.H. Marshall a appelé la « citoyenneté sociale », dont je voudrais montrer le caractère intrinsèquement conflictuel, voire insurrectionnel ; (2) si l’Etat social n’a pas la prétention d’abolir le « système-monde » capitaliste, on doit le créditer d’avoir réussi à enclencher un processus global de démarchandisation, notamment (ce qui est négligé) grâce à une coordination forte des politiques sociales et économiques au niveau international. En d’autres termes, l’Etat social excède à la fois le cadre national et la logique capitaliste. C’est pourquoi, en dépit de ce que l’actualité nous donne à voir, (3) les forces progressistes doivent avoir pour objectif prioritaire l’institution d’un modèle social européen, sous la forme d’une convergence progressive des différents systèmes actuels.

La crise des dettes souveraines n’est pas celle de « l’Etat-Providence » mais du capitalisme dérégulé. L’Etat social n’est pas le problème mais la solution. Une solution politique, c’est-à-dire instable et même aporétique. L’Etat social est une composition conflictuelle permanente avec le Marché et la Nation, qui en sont à la fois les points d’appui et les points de butée. Ce sera d’ailleurs le cœur de mon hypothèse : la démocratie sociale ne repose sur rien d’autre que le conflit politique – ce que j’appelle le dissensus.

Comment penser l’Etat social ?

Les tentatives pour penser l’Etat social sont rares. C’est qu’il échappe aux fondements théoriques des  paradigmes idéologiques dominants, le libéralisme et le marxisme. Le libéralisme ne voit dans les droits sociaux que des « droits-créances », autrement dit des droits opposables à un Etat encouragé, de ce fait, à étendre son pouvoir tutélaire sur l’ensemble de la société, au mépris des « droits-libertés » ; quant au marxisme (en tout cas dans ses variantes de type communiste), le compromis « social-démocrate » ne lui apparaît qu’une sorte de ruse de la raison capitaliste en vue de désamorcer le potentiel révolutionnaire des classes populaires.

Dans le champ français, deux théoriciens ont essayé de penser l’Etat social pour lui-même : François Ewald et Alain Supiot. Je voudrais montrer qu’en dépit de l’intérêt considérable de leurs travaux, ils manquent malgré tout l’un et l’autre la dimension proprement politique de l’Etat social.

Pour Ewald, « l’Etat-providence » coïncide avec la mise en place d’un tout nouveau « diagramme » de pouvoir : la société assurantielle[1]. Son approche a eu le mérite de rompre avec les genèses étroites qui ne voyaient dans l’Etat social qu’une sorte d’extension des pratiques de charité ou d’assistance publique du XIXe siècle. Inspiré par l’analyse foucaldienne des rapports « savoir-pouvoir », Ewald montre la rupture à la fois épistémologique et politique qu’a constituée la reconnaissance des accidents du travail comme risques sociaux – imputables à aucun agent particulier mais à la société tout entière. Ch. Ramaux a cependant raison de dire que cette approche de l’Etat social en termes assurantiels est encore trop étroite. Même élargie au droit social, elle oblitère l’importance des services publics et des politiques macroéconomiques en matière de fiscalité et de soutien à l’activité et à l’emploi. «  Il ne faut pas confondre généalogie et fondement analytique de l’Etat social » [2].

Par delà ce qu’on pourrait appeler « l’accidentologie », l’Etat social poursuit un objectif de bien-être ou plus exactement de « mieux-être social »[3] qui excède la simple garantie d’un minimum vital. Le chômage, la maladie et la vieillesse ne sont plus seulement considérés comme des accidents de la vie contre lesquels il faut s’assurer socialement, mais des obstacles qui empêchent les acteurs sociaux de s’épanouir et de regarder l’avenir avec confiance. C’est pourquoi l’on ne peut isoler l’institution de la Sécurité sociale d’autres mécanismes qui, à l’évidence, ne relèvent pas de la technique assurantielle :

  • d’une part, tout ce qui contribue à la qualité de vie et à la participation de chacun à la communauté : limitation de la durée du travail, maternité, congés payés, congés pour droit syndical, etc. ; instruction gratuite et obligatoire, éducation permanente, logement social, équipements sportifs et culturels, etc. ;
  • d’autre part, les politiques économiques « keynésiennes » qui ont pour but de préserver les équilibres socio-économiques, ainsi que les politiques fiscales qui, avec l’introduction de l’impôt progressif, deviennent des instruments de redistribution des richesses.

Il faut donc considérer solidairement les trois fonctions de protection (celle qui relève spécifiquement de la logique de couverture des risques), de redistribution (fiscalité) et de stabilisation (monnaie et investissement). « La protection sociale contre les risques n’est qu’un moyen en vue d’une fin plus large et positive, qui consiste, à travers la garantie d’un droit social commun, à favoriser le développement et l’épanouissement des êtres humains »[4].

Pour autant, il ne faudrait pas voir dans une telle approche de l’Etat social en termes de « mieux-être » la réalisation d’un projet moral auquel se seraient spontanément ralliés l’ensemble des acteurs de la société. C’est ce que l’on perçoit chez le juriste Alain Supiot. Selon lui, le droit social qui s’est développé après la seconde guerre mondiale est une sorte de renaissance du droit naturel, en ce qu’il serait la matérialisation de principes de justice universels (solidarité, dignité, bien-être) en réaction à la barbarie provoquée par la crise de 1929 et la tragédie nazie. Tel est ce qu’il appelle « l’esprit de Philadelphie », du nom de la Déclaration du 10 mai 1944 par laquelle les pays vainqueurs de l’Allemagne nazie jetaient les bases d’un nouvel ordre économique, social et juridique mondial[5]. Philosophiquement proche de Pierre Legendre, Supiot envisage le droit (et au premier chef le droit social) comme un montage « dogmatique » ayant statut de « Tiers symbolique » entre les individus et entre les groupes. Selon Supiot, le marché total est en train de liquider le droit comme Tiers symbolique, en lui faisant perdre son ancrage dans la diversité des peuples et des territoires, et en imposant partout la logique de la concurrence[6]. Nous serions engagés dans une lutte décisive entre le « gouvernement par les lois » (Droit) et le « gouvernement par les nombres » (Calcul, Programmation), entre la justice sociale comme postulat moral et la quantification comme obsession scientiste[7].

Je ne crois pas qu’on puisse faire reposer l’Etat social sur un « acte de foi », une « affirmation dogmatique »[8], bref qu’on puisse considérer le droit social comme un substitut de droit naturel. Sur ce point, Ewald a raison : « l’institution de l’État-Providence sonne le glas des doctrines du droit naturel »[9]. En effet, dans une société où la solidarité devient un mode de socialisation du risque, « la répartition sociale de la charge des dommages (…) n’est pas fondée en nature ; sa validité dépend de son utilité, de son adaptation aux besoins sociaux ». Or, qu’est-ce qu’un « besoin social » ? Qui peut l’identifier, le définir ? L’Etat social ouvre « un grand vide dans la raison juridique. Ce vide, cette béance, seul le législateur pourra les combler. Mais sans raison, en quelque sorte d’autorité, en fonction d’objectifs sociaux qui ne se mesurent plus eux-mêmes sur aucune objectivité »[10]. Car en effet, « le besoin est fondamentalement illimité […]. Il n’y a pas d’objectivité du besoin social ».

Contre Supiot, il faut donc admettre que l’Etat social ne repose pas sur des principes auto-transcendants de justice et de solidarité, mais sur une logique de confrontation politique permanente. Mais contre Ewald, il faut affirmer que cette confrontation dépasse la mise en place de la seule société assurantielle. La conflictualité politique porte sur un ensemble de besoins sociaux, dont la protection contre les accidents n’est qu’une dimension parmi d’autres.

La « révolution social-démocrate »

Mais ce qui constitue le cœur de la « révolution social-démocrate » (l’expression est d’Étienne Balibar)[11], c’est très certainement la mise en place d’une véritable citoyenneté sociale, telle que l’a thématisée le sociologue T.H. Marshall en 1949 (alors que se mettait en place de Welfare State britannique). Marshall montre que la citoyenneté démocratique s’est élaborée en trois temps : au XVIIIe siècle, la conquête des droits civils (libertés de pensée, d’association, de contracter, d’aller en justice, etc.) ; au XIXe siècle, celle des droits politiques (droit de vote, d’exercer le pouvoir) ; et enfin, au XXe siècle, celle des droits sociaux – qu’il définit comme « le droit à un bien-être et une sécurité économiques minimums, ainsi que le droit de partager pleinement l’héritage social et de vivre la vie d’un être civilisé conformément aux standards qui prévalent dans la société »[12]. Que la conquête et la jouissance de droits sociaux fasse partie intégrante de la citoyenneté est bel et bien une « révolution ». Car avant la fin du XIXe siècle, l’assistance aux pauvres était exclusive de la citoyenneté : en bénéficiant de l’aide publique, les indigents perdaient l’essentiel de leurs droits civiques et se trouvaient reléguer au statut de « citoyens passifs ». Avec l’Etat social, au contraire, c’est en tant que citoyen que le bénéficiaire reçoit des prestations, et cela sur un fonds à la constitution duquel il a participé.

Mais le plus remarquable, c’est que la connexion entre protection sociale et citoyenneté, qu’institue l’Etat social, ne produit pas seulement des effets sur l’existence matérielle des acteurs sociaux, mais également sur la façon dont ces derniers vivent cette citoyenneté sociale. Catherine Colliot-Thélène montre très bien que le sujet politique moderne se pense et se construit fondamentalement comme un sujet de droit, c’est-à-dire comme un acteur revendiquant auprès du ou des pouvoir(s) la reconnaissance, l’extension ou tout simplement l’effectivité de ses droits[13]. Cela signifie, d’un côté, que le citoyen est celui qui, pour faire valoir ses droits, recourt aux tribunaux (droits civils, droit du travail), exerce son droit de vote (droits politiques), mais aussi pétitionne, manifeste, participe à des mouvements sociaux (quitte à s’émanciper du contrôle des partis ou des syndicats) ; mais aussi, de l’autre côté, qu’il existe un pouvoir destinataire de ces revendications, en l’occurrence l’Etat (et plus précisément encore, l’Etat-Nation), doté d’une puissance suffisante pour imposer un compromis politique aux forces sociales en présence sur un même territoire. L’Etat social avère ainsi la structure dissymétrique et triangulaire du pouvoir : dissymétrique car il ne peut y avoir de sujets de droit sans un pouvoir distinct qui leur fait face ; triangulaire car l’Etat social n’aurait pas d’efficace s’il ne se tenait en position de tiers entre les forces du capital et celles du travail. Nous rejoignons ainsi la question, pour moi essentielle, du dissensus : le conflit social, la lutte voire l’insurrection sont producteurs de liens, d’identité collective –  une identité cependant indéterminée, flottante, irréductible à l’appartenance nationale comme à la solidarité « internationaliste » de type révolutionnaire ou libertaire.

L’Etat social, c’est donc avant tout l’institution d’un espace de conflit auquel la classe dominante ne peut se soustraire. Car contrairement à l’image qui veut que les classes dominantes cherchent à monopoliser, voire saturer l’espace politique, l’observation historique montre au contraire que le pouvoir s’avère d’autant plus violent qu’il sait se soustraire à la confrontation politique. C’est le cas de la classe capitaliste aujourd’hui (comme celui de la classe sacerdotale hier). Le problème actuel n’est pas que les travailleurs soient politiquement dominés par les forces du capital, mais que ceux-là n’ont tout simplement pas de prise sur celles-ci, dont la structure transnationale leur permet d’échapper presque totalement au contrôle étatique. Tandis qu’au contraire, la démocratie sociale comme pratique dissensuelle, c’est l’institution d’un espace auquel la classe dominante ne peut se dérober, où elle reste certes « hégémonique » mais ne peut pas ne pas se confronter aux revendications des classes populaires.

Une telle approche rejoint l’idée de « démocratie conflictuelle » chez Balibar, qui lui aussi définit la démocratie moins comme le régime où le peuple exerce le pouvoir que celui où il fait pression sur l’Etat pour qu’il rééquilibre le rapport de forces entre classes dominantes et classes dominées. Tel est ce qu’il appelle « le théorème de Machiavel » : « C’est dans la mesure où les luttes de classes (qui forment le noyau ou – à d’autres égards – le modèle d’un ensemble de mouvements sociaux) conduisent la « communauté » au point de rupture qu’elles contraignent le pouvoir de l’Etat à l’invention institutionnelle, à laquelle elles fournissent en retour une matière non pas simplement « sociale » mais proprement politique. Il en résulte tendanciellement un régime de conflit, instable voire périlleux, mais hors duquel des crises fondamentales ne seraient ni traitées ni reconnues comme telles »[14]. En vertu de ce « théorème », la démocratie n’est pas la société où le pouvoir appartient au peuple mais où il n’appartient à personne – société qui est, de ce fait, vouée à osciller indéfiniment entre un pôle constitutionnel qui maintient l’ordre social en l’état et en garantit la légitimité, et un pôle insurrectionnel qui libère la contestation, la lutte et la résistance[15].

Or, le social comme dialectique entre constitution et insurrection, c’est bien ce qui ressort de la mise en place de l’Etat social européen en 1945 :

  • d’un côté, le conflit entre capital et travail n’est pas un conflit nu, direct, mais institué et médié par l’Etat. Forces du travail et du capital composent sur la scène politique dans ses trois dimensions législative (l’opposition gauche / droite), exécutive (dans un pays comme la Belgique, le gouvernement n’a longtemps rien fait d’autre qu’exécuter les accords entre partenaires sociaux) et judicaire (fonctionnement paritaire des tribunaux du travail), à quoi il faut ajouter la gestion également paritaire des organismes assurantiels ;
  • d’un autre côté, je tiens pour fondamental le fait qu’en France comme en Belgique, les principes de base de l’Etat social furent énoncés par les représentants patronaux et syndicaux au sein de cette séquence insurrectionnelle par excellence que fut la Résistance. Les partenaires sociaux ont agi comme pouvoir constituant, hors de tout cadre politico-juridique constitué. On sait l’arrière-fond de ce pacte social constituant : la communauté de combat contre l’occupant nazi, mais aussi le danger imminent que représentait le communisme soviétique. La fonction tribunicienne des partis ouvriers fit donc bien du régime de l’Etat social, tout au long des Trente Glorieuses, une « démocratie conflictuelle » au sens de Balibar.

Pour mon compte, je voudrais ajouter que la synthèse non plus institutionnelle mais sociologique de cette dialectique insurrection-constitution est opérée par la médiation de la classe des cadres entre la classe capitaliste et les classes populaires. La structure de classes de la société moderne, en effet, n’est pas bipolaire (comme l’affirme l’orthodoxie marxiste) mais tripolaire. Les cadres (politiques, juristes, éducateurs, ingénieurs, administrateurs, intellectuels, etc.), qui remplissent les tâches d’organisation de la production et de la reproduction, constituent une classe autonome, ayant ses propres intérêts et sa propre logique[16]. Dans cette perspective, on peut considérer le pacte social qui se met en place en 1945 comme le résultat d’une alliance forte entre la classe « cadriste » et les classes populaires contre la classe possédante.

Penser avec Polanyi contre Polanyi

La démocratie sociale ne fait pas voir ses effets seulement sur la scène politique ; elle affecte aussi ce que Balibar appelle « l’autre scène » du politique, celle des conditions historiques, sociales et économiques qui échappent à la prise directe, voire à la conscience des acteurs sociaux[17].

Mais à la différence de Balibar qui, quand il passe d’une scène à l’autre, convoque naturellement Marx (et Foucault), je vais quant à moi m’appuyer sur Karl Polanyi. Tandis que Marx pointe les contradictions systémiques internes au capitalisme, Polanyi met au jour la puissance de désintégration des communautés et des solidarités par la logique marchande. C’est ce qu’il appelle « la grande transformation » : le passage d’une économie de marché à une société de marché, d’une civilisation où l’économie est encastrée ou imbriquée (embedded) dans la vie sociale à une civilisation où elle est désencastrée (disembedded), où la logique du marché a été systématiquement et violemment imposée à l’ensemble de la société. L’Europe et le monde, entre 1830 et 1930, ont ainsi subi les effets destructeurs du désencastrement marchand, jusqu’à ce que, à partir des années 30, s’amorce un violent contre-mouvement de réencastrement dont les totalitarismes de l’entre-deux-guerres sont les formes paroxystiques. Ce qui fait l’intérêt de la pensée de Polanyi, c’est moins la solution qu’il propose (un socialisme solidariste rose sucré d’inspiration chrétienne) que l’énoncé du problème auquel est confrontée toute démocratie sociale : comment dé-marchandiser les rapports sociaux, comment réencastrer l’économie tout en préservant les acquis de l’individualisme et du libéralisme qui ont inspiré les grandes révolutions américaine et française ?

Dans un article lumineux[18], Nancy Fraser montre que pour répondre à cette question, il faut en quelque sorte « penser avec Polanyi contre Polanyi » : penser avec Polanyi la lutte contre les déprédations causées par le marché, mais penser contre Polanyi la lutte contre les vecteurs de domination imbriqués dans les formes de protection elles-mêmes. Car certaines formes de protection (familles, traditions, religions) peuvent être oppressives (envers les femmes au premier chef), de même que l’espace marchand peut s’avérer libérateur (pour de nombreuses femmes derechef, l’accès au marché de l’emploi a joué un tel rôle libérateur).

Ce point est d’une importance capitale pour comprendre l’indétermination irréductible qui affecte aussi « l’autre scène » de l’Etat social, celle où se joue la dialectique entre mouvements « sociaux » et  mouvements « culturels », revendications de protection et revendications de libération. Indétermination qui nous ramène à nouveau au politique et au conflit, car comme le montre très bien Fraser, il n’y a aucune convergence nécessaire, mais des synthèses politiques toujours sous tension, entre le mouvement qui consiste à dé-marchandiser les individus en leur offrant des protections collectives, d’un côté, et le mouvement qui consiste à les dés-encastrer de leurs communautés d’origine en leur garantissant des droits individuels, d’un autre côté. Un exemple classique, c’est le « salaire familial » dans les années 50 : fallait-il exiger qu’un seul salaire soit suffisant pour faire vivre toute une famille (au risque de confiner la femme à la maison et de renforcer la domination masculine), ou plaider pour l’accès égal des femmes au marché du travail (au risque de salaires et de protections diminués) ?

De tels dilemmes entre marchandisation, protection et émancipation traversent de part en part l’Etat social, sans résolution finale possible, vouant toute politique progressiste à fonctionner sur le mode ce que Balibar appelle « l’argument du danger de l’excès inverse » : quand il y a excès de propriété privée, tyrannie de l’égoïsme (domination par marchandisation), il faut faire valoir les droits de la communauté, de la solidarité, privilégier le réencastrement ; inversement quand il y a excès de communauté, aliénation de l’individu dans le tout (domination par encastrement), il faut faire valoir les droits de la singularité, de la propriété (de soi) (cf. le slogan féministe « mon corps m’appartient »)[19]. La synthèse (toujours provisoire, incomplète, impure) converge alors vers ce que Fraser appelle la « parité de participation » (parity of participation), qu’elle définit comme un « état qualitatif : être pair, être à égalité avec les autres, interagir avec les autres sur un pied d’égalité », dans les trois dimensions « de la distribution économique, de la reconnaissance culturelle et juridique et de la représentation politique »[20].

Sur cette base, on peut utilement revisiter la typologie des modèles sociaux forgée par Gosta Esping-Andersen[21]. L’inspiration polanyienne est ici évidente, puisque Esping-Andersen fait précisément de la démarchandisation de l’existence le critère majeur du Welfare State. Cette typologie idéal-typique est fondée sur les relations nouées entre trois sphères de la vie sociale : la sphère publique de l’Etat, la sphère marchande et la sphère domestique, familiale. Esping-Andersen distingue alors le modèle anglo-saxon (basé sur l’assistance aux plus pauvres et la responsabilisation des ménages appelés à recourir à des systèmes d’assurances publics et privés), le modèle nordique (qui assure à tous les citoyens un haut niveau de protection sociale financé par une fiscalité élevée) et le modèle continental (France, Allemagne, Belgique, etc.), de type assurantiel et corporatiste (c’est-à-dire fortement indexé sur les statuts que confère l’appartenance à tel « corps » professionnel ou telle catégorie salariale). Maurizio Ferrera a opportunément ajouté à cette typologie le modèle méditerranéen (Espagne, Grèce, Portugal, Italie[22]), marqué par la prédominance du salaire masculin et la survivance des solidarités patriarcales[23].

Il est intéressant de situer chaque modèle idéal-typique sur l’axe marchandisation-encastrement, propriété-communauté : aux deux extrêmes, on trouve le modèle anglo-saxon (caractérisé par une faible démarchandisation) et le modèle méditerranéen (caractérisé par un faible désencastrement); les modèles nordique et continental arrivent quant à eux à mieux combiner les objectifs de démarchandisation et de désencastrement. Mais une analyse plus fine révèle, au sein de ces modèles, la prégnance d’autres modes d’encastrement que ceux produits par les structures de sociabilité première :

  • dans les pays nordiques, le caractère égalitaire, centripète, reposait jusqu’il y a peu sur une forte homogénéité ethnique. Les nouvelles réalités migratoires et diasporiques l’ont déstabilisée, ce qui explique que le centre de gravité politique soit en train de basculer de la social-démocratie aux partis de droite radicale – ceux-ci ne prônant pas un abandon de l’Etat social mais voulant le réserver aux « nationaux » à l’exclusion des immigrés ;
  • dans les pays continentaux, l’encastrement repose sur une stratification sociale et statutaire relativement rigide (que le poids historique de l’Eglise a peut-être contribué à légitimer). « Rigidité » que le discours néolibéral a beau jeu de présenter comme inadaptée aux conditions de l’économie mondialisée …

Les apories constitutives de l’Etat social

Cette question de la pluralité des modèles sociaux pourrait laisser penser que l’Etat social est par essence Etat national. Pour reprendre des termes de Maurizio Ferrera, ne faut-il pas reconnaître qu’il n’y a pas de lien (bonding) de solidarité sans le bounding  (limites : boundaries) des frontières de l’État-nation[24] ? Des auteurs expliquent aussi l’absence d’Etat social fort aux Etats-Unis par leur très forte hétérogénéité ethnique[25]. Mais je conteste cette thèse:

  • la structure des droits sociaux est celle de droits universels attachés non à la nationalité mais à la citoyenneté entendue en un sens élargi (comme Marshall et Colliot-Thélène nous y invitent) ;
  • l’Etat social n’a jamais été possible sans une coordination d’Etats formant système, comme Alain Supiot le montre très bien dans L’esprit de Philadelphie , en référence à la première déclaration commune des (futurs) pays vainqueurs, qui annonce les accords de Bretton Woods qui vont garantir la stabilité monétaire de l’ordre économique mondial, en visant notamment à empêcher les dévaluations « déloyales » entre pays occidentaux et à permettre la mise en place de politiques économiques « keynésiennes ». La fonction de stabilisation des équilibres socio-économiques fait partie intégrante, comme nous l’avons dit plus haut, de l’Etat social. Au fond, c’était tout le sens de la construction européenne à l’origine : coordonner les politiques économiques afin de permettre à chaque pays membre de poursuivre ses objectifs sociaux.

Il ne s’agit nullement pour moi d’idéaliser l’Etat social tel qu’il s’est développé pendant les « Trente Glorieuses ». Comme j’y ai insisté, l’Etat social est une composition conflictuelle, donc foncièrement instable et impure :

  • il institue un modèle de justice que François Dubet appelle « l’égalité des places »[26], autrement dit un système où chacun est assuré de trouver une « place » (à commencer par un emploi) dans la société, et où l’écart entre les positions extrêmes tend à resserrer. Mais pour autant, ce système ne touche pas structurellement à la hiérarchie différentielle des places elle-même. En outre, il favorise les « inclus », ceux qui possèdent un statut professionnel solidement protégé (que l’on songe à ce que signifait, il y a encore une trentaine d’années, être métallo, cheminot ou docker), au détriment des « outsiders », ceux qui sont en marge de la société du travail ou qu’on maintient dans quelque forme de ségrégation – ainsi les travailleurs immigrés, dont la situation, dans les années 50 et 60, s’apparentait à celle de sous-citoyens ;
  • l’Etat social n’aurait pas été possible sans une économie industrielle tournant à plein régime, capable de générer une forte croissance (autour de 5% par an) dont on put répartir les fruits (c’était tout l’objet de la « négociation sociale »). Mais ce modèle industriel ultra-productiviste reposait, on le sait, sur des formes de production « fordistes » ou « tayloriennes » particulièrement abrutissantes et aliénantes pour les travailleurs ; et il engendrait une exploitation effrénée et aveugle des ressources naturelles ;
  • enfin, l’Europe « occidentale » a pu profiter de la situation géopolitique engendrée par la guerre froide, d’une part, et par la quasi mise sous tutelle du « Tiers Monde », d’autre part, facilitant l’exploitation sans vergogne des matières premières des pays du Sud et l’importation d’une main d’œuvre à bon marché.

Dans une configuration structurée par le capitalisme et le nationalisme, le mouvement ouvrier et les forces progressistes ont néanmoins réussi à enclencher un processus inédit de démarchandisation, de désencastrement et d’émancipation. Comme le dit Robert Castel, un tel système fonctionnait comme un escalator : tout le monde restait sur sa marche mais tout le monde montait …

Le tournant ethnolibéral

On sait avec quelle violence les classes possédantes, à partir des années 80, vont imposer à l’Europe et au monde une seconde « Great Transformation » polanyienne, sous la forme d’un double mouvement de désencastrement marchand et de réencastrement nationaliste ou ethnique – ce pourquoi je qualifie d’ethnolibéral (plutôt que de « néolibéral ») ce tournant historique dont nous sommes toujours tributaires.

Ce qui a permis ce tournant ethnolibéral, personne ne l’ignore, c’est (1) la dérégulation du marché international, c’est-à-dire la mise en concurrence des économies nationales, (2) la financiarisation de l’économie, qui systématise l’extorsion de la plus-value des entreprises, ainsi que (3) l’extinction de la conflictualité sociale par des gouvernements convertis (de gré ou de force) au néolibéralisme. L’Europe joua en la matière un rôle particulièrement actif, en faisant primer systématiquement le principe de concurrence sur celui de protection et de négociation sociales[27].

Sur plan sociologique, ce tournant ultralibéral n’aurait pu être possible sans le renversement d’alliance de la classe « cadriste » qui s’est laissée séduire par le discours de la classe capitaliste (et aussi par l’augmentation de revenus que celle-ci lui a consentie). Les cadres financiers ont été les chevilles ouvrières de l’alliance capital-cadres, qui s’est cristallisée dans un nouvel ordre managérial s’étendant à toutes les sphères d’organisation et de socialisation. En 2007, le dirigeant du MEDEF Denis Kessler a bien résumé l’objectif ce cette nouvelle alliance : « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »[28].

A la re-marchandisation de la société sur l’axe de la « propriété », répond son réencastrement ethnique sur l’axe de la « communauté ». Au modèle de « l’égalité des places » se substitue celui de « l’égalité de chances » qui promeut l’idée d’une compétition équitable entre individus indépendamment des différences de genre, d’âge, de race, de religion, etc. – modèle qui accepte donc l’idée que la vie sociale est une compétition pour des « places » (emplois) devenus denrée rare. On passe de la représentation de la société en termes d’inégalités et de classes à une représentation en termes de discriminations et d’identités. En même temps, une politique migratoire de plus en plus restrictive est mise en place, qui fonctionne comme un véritable mécanisme de sélection naturelle de la force de travail. Au final, on voit que l’idéologie libérale de la diversité culturelle et la rhétorique belliqueuse de « l’immigration zéro » contribuent solidairement au darwinisme social qui est la nature profonde de ce que j’appelle l’ethnolibéralisme.

Pour un « Traité de convergence sociale européen »

Tout semble nous éloigner de la mise en place d’un modèle social européen. Qui imagine pourtant que le salut se trouve dans le repli de l’Etat social sur l’Etat national ? Comme nous l’avons vu, il ne peut y avoir de politique sociale, même nationale, sans politique économique coordonnée au niveau international. Aporie de la construction européenne : elle se fait l’agent du démantèlement de l’Etat social, mais est en même temps le seul horizon possible de son redéploiement.

Les conditions (donc les enjeux et les objectifs) de l’Etat social aujourd’hui ne sont plus les mêmes que celui des « Trente Glorieuses ».

  • L’Etat social ne pourra plus être financé par la répartition négociée d’une croissance à 4 ou 5%. L’ultra- productivisme a vécu. Il faut réfléchir dans la perspective d’une croissance modérée (de l’ordre de 1%) et durable, qui intègre les défis environnementaux et énergétiques [29];
  • Les risques sociaux ne sont plus ceux de 1945. Le risque de pauvreté touche aujourd’hui davantage les jeunes que les âgés, ce qui est un phénomène inédit et inquiétant, car il préfigure une situation où des individus s’installent dans la précarité, avec une très forte probabilité de la transmettre à leurs propres enfants. Le défi majeur sera moins celui des accidents de la vie que celui de la désaffiliation (Castel). Quant aux personnes âgées, c’est le problème de la dépendance qui deviendra crucial, imposant de repenser notre système de soins et son financement. La féminisation du marché du travail est un autre phénomène majeur de ses dernières décennies – avec des conséquences potentiellement positives du point de vue de l’émancipation des femmes, mais négatives si l’égalité femme-homme n’est pas réalisée sur le marché de l’emploi et si de nouveaux équilibres entre vie professionnelle et vie familiale ne sont pas trouvés ;
  • Sur un marché du travail désormais mondialisé, les dynamiques migratoires vont se poursuivre et s’amplifier, en lien avec l’urbanisation accélérée de la planète. Les « villes globales »[30] concentrent déjà les plus fortes inégalités sociales, qui recoupent les partages ethniques. L’Etat social ne peut plus ignorer le phénomène de l’ethno-stratification socio-économique ;
  • Mais le choc sociétal le plus important sera celui de l’automatisation et de la numérisation de la production[31]. En soi, que les robots remplacent à l’avenir le travail dans les mines, le nettoyage des égouts ou le transport routier est une bonne nouvelle. Mais les applications de l’intelligence artificielle automatisées et interconnectées créeront beaucoup moins d’emplois qu’elles n’en supprimeront. La création et la défense de l’emploi (programme commun du patronat, des syndicats et des politiques) sont des combats perdus d’avance. L’emploi comme activité rémunérée par un salaire va se raréfier, en tout cas perdre sa centralité sociale et existentielle.

Deux lignes d’évolution sont alors possibles :

  • soit l’écart continue de se creuser entre une minorité de privilégiés (détenteurs de capitaux ou professions créatrices de plus-value) et la masse des précaires et des désaffiliés, selon la logique de la jetabilité déjà en marche[32]. L’Etat social se muera alors définitivement en Etat sécuritaire « dé-démocratisé », mixant assistance et répression pour empêcher l’insurrection stochastique des « populations-poubelles » ;
  • soit le transfert massif des tâches automatisées aux robots et aux ordinateurs permet de faire redécouvrir à tous le sens authentiquement « poïétique » du travail : innover, créer (« savoir-faire »), prendre soin, communiquer (« savoir-vivre »), chercher, imaginer (« savoir-penser »), à condition de déconnecter au moins partiellement l’emploi du travail en instituant d’autres formes de revenu. Plutôt que « l’allocation universelle », la voie la plus féconde me semble être celle du « revenu collaboratif », alloué à chaque individu dans les périodes où il n’est pas salarié, pour lui permettre de se former, se réorienter, réaliser des projets associatifs, créatifs, etc., bref développer ses « capacités ». Dans cette perspective, le modèle « mixte » des intermittents du spectacle est peut-être appelé à s’étendre.

Pour se redéployer, l’Etat social doit se réinventer dans ses trois fonctions constitutives : la protection sociale proprement dite (pour affronter les nouveaux risques sociaux et environnementaux), la redistribution des richesses (via une refonte de la fiscalité et de nouveaux modes de revenus) et la stabilisation de l’économie (en mettant fin aux politiques d’austérité et en privilégiant au contraire la relance). Or, aucun de ces leviers ne relève plus aujourd’hui de l’Etat-Nation : c’est pourquoi l’institution d’un modèle social européen est un objectif auquel les progressistes ne doivent pas renoncer.

Dans cette optique, je plaide pour l’adoption d’un « Traité de convergence sociale européen », qui aurait pour objectif (1) de lutter contre le dumping social et de rapprocher les différents modèles actuels dans le sens du « mieux disant social », (2) d’harmoniser les systèmes fiscaux en mettant davantage à contribution le capital et (3) de relancer l’économie du continent via un « New Deal » européen rencontrant les besoins d’investissement gigantesques en matière de transition écologique, d’environnement, de ré-industrialisation ou encore d’ « économie circulaire ».

Ma perspective reste celle d’une Europe cosmopolitique (telle qu’elle a été théorisée par Kant et réactualisée entre autres par Jürgen Habermas et Jean-Marc Ferry), à distance de toute idée d’un Etat supranational européen. L’architecture d’une Europe cosmopolitique, retraduite dans les termes d’aujourd’hui, est la suivante : (1) une fédération d’Etats démocratiques coordonnant leurs politiques sociales, mais aussi économiques et industrielles ; (2) des droits civils, politiques et sociaux, constitutifs d’une véritable citoyenneté sociale européenne, conférés à tous les individus ; (3) un droit d’hospitalité qui garantit des droits renforcés aux migrants, à commencer par le « droit d’avoir des droits » cher à Arendt (et Balibar).

Traduisons : des institutions européennes renforcées et une citoyenneté réactivée. Plus que jamais, l’Europe a besoin du « théorème de Machiavel » : il faut renforcer à la fois la fonction contestatrice des mouvements sociaux et la capacité d’action de la puissance publique. Il faut à la fois que les citoyens protestent et s’insurgent, et que l’Etat (national et/ou fédéral européen) soit assez puissant pour imposer aux « Grands » le pacte social le plus favorable aux intérêts du « popolo minuto ».

D’un côté, il faut renforcer la légitimité du pouvoir « fédéral » européen, par exemple en remplaçant le Conseil Européen par une seconde chambre dont les membres seraient issus des Parlements nationaux (comme le suggère l’économiste Thomas Piketty). D’un autre côté, il faut favoriser l’émergence d’un démos européen, d’une opinion publique, d’un peuple européen insurgeant, d’une pression venant d’en bas contre le capitalisme financier. Mais quelle dynamique insurrectionnelle en Europe, qui ne soit pas nationaliste, chauvine ? L’implosion de Syriza (allié, ne l’oublions pas, à un parti ouvertement xénophobe) montre l’ampleur de la difficulté. Quelle convergence entre partis, syndicats, mouvements associatifs ? Bref, quelle « Internationale » européenne ?

Quid, pour finir, de l’attitude de la classe organisatrice (cadres politiques, juridiques, universitaires, etc.) ? Tant qu’elle ne rompt pas son alliance à droite avec la classe capitaliste, un changement de cap est improbable. Mais la crise de la dette a ébranlé bien des certitudes chez les cadres, y compris du privé, et l’on voit bien que le discours néolibéral n’a plus la superbe de naguère. Le  plus grand danger, à mon sens, est que la classe cadriste (et en particulier la classe politique) déboussolée poursuive sa stratégie immunitaire de préservation de ses propres intérêts et de reproduction endogamique.

Si je me penche aujourd’hui sur un objet aussi prosaïque que l’Etat social, c’est pour me situer dans la perspective d’une alternative qui soit à égale distance du piteux alignement dont le pouvoir socialiste français donne aujourd’hui l’exemple, mais aussi de la posture impolitique, inattentive aux médiations et aux dialectiques propres au politique, qui flatte le romantisme d’une certaine ultragauche intellectuelle. Cette voie, j’en ai conscience, est passablement inconfortable.

Edouard Delruelle

MAP-ULg « Matérialités de la politique – Unité de Recherches en philosophie politique »

Université de Liège

[1] François Ewald, L’Etat-Providence, Grasset, 1986.

[2] Christophe Ramaux, « Quelle théorie pour l’Etat social ? Apports et limites de la référence assurantielle. Relire François Ewald 20 après L’Etat-Providence », in Revue française des affaires sociales, 2007/1, n°1, p.13-34.

[3] Ibid.

[4] Ibid., p. 205.

[5] Alain Supiot, L’Esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Seuil, 2010.

[6] Alain Supiot, Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Seuil, 2005.

[7] Alain Supiot, Le gouvernement par les nombres, Fayard, 2015.

[8] Alain Supiot, L’Esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Seuil, 2010.

[9] François Ewald, L’Etat-Providence, Grasset, 1986, p.375.

[10] Ibid., p. 357.

[11] Etienne Balibar, La proposition de l’égaliberté, PUF, 2010, p.154.

[12] T.H. Marshall, Citizenship ans Social Class (1950), Pluto Press, 1992.

[13] Catherine Colliot-Thélène, La démocratie sans « demos », PUF, 2012.

[14] Etienne Balibar, L’Europe, l’Amérique, la guerre. Réflexions sur la médiation européenne, 2005, p.127.

[15] Etienne Balibar, La proposition de l’égaliberté, PUF, 2012, p.20 (cf. p.75).

[16] Gérard Duménil et Dominique Lévy, La grande bifurcation. En finir avec le néolibéralisme, La Découverte, 2014.

[17] Etienne Balibar, « Trois concepts de la politique : Emancipation, Transformation, Civilité » in La Crainte des masses, Galilée, 1997.

[18] Nancy Fraser, « Marchandisation, protection sociale et émancipation. Les ambivalences du féminisme dans la crise du capitalisme », Revue de l’OFCE, 2010/3 – n° 114, p.11-28

[19] Etienne Balibar, La proposition de l’égaliberté, PUF, 2012, p.77.

[20] Nancy Fraser, « Marchandisation, protection sociale et émancipation. Les ambivalences du féminisme dans la crise du capitalisme », Revue de l’OFCE, 2010/3 – n° 114, p.11-28.

[21] Gosta Esping-Andersen, Les trois mondes de l’État-providence. Essai sur le capitalisme moderne, Presses Universitaires de France, 1999 ; Gosta Esping-Andersen & Bruno Palier, Trois leçons sur l’Etat-providence, Seuil, 2008.

[22] L’Italie est un système hybride entre les idéaux-types méditerranéen et continental.

[23] Quid des pays d’Europe centrale nouveaux membres de L’Union européenne ? Il semble qu’ils forment eux-mêmes un ensemble très contrasté même si, globalement, ils se caractérisent par des structures familiales traditionnelles, une faible activité féminine et un chômage un peu plus élevé (Cf. Yannick L’Horty, « L’Europe sociale n’existe pas », CNDP, Idées économiques et sociales, 2008/4 – N° 154, p.18-23).

[24] Maurizio Ferrera, 2005, The Boundaries of Welfare, European Integration and the New Spatial Politics of Social Protection, Oxford, Oxford University Press.

[25]Alberto Alesina et Edward L. Glaeser, “Why are Welfare States in the US and Europe so different ? What do we learn ?, Horizons stratégiques, 2006/2 – n° 2; Tony Judt et Isabelle Hausser, « Qu’y a-t-il de vivant et qu’y a-t-il de mort dans la social-démocratie ? », Commentaire, 2010/1 – Numéro 129, p.39-50.

[26] François Dubet, Les places et les chances. Repenser la justice sociale, Seuil, 2010.

[27] Dans l’« arrêt Laval » de 2007, par exemple, la Cour de Justice de Luxembourg a jugé que tel recours à la grève des travailleurs suédois n’était pas acceptable car, reposant sur un accord local, les dispositions que la grève visait à défendre ne pouvaient être opposées à l’employeur étranger qui avait fait venir en Suède des travailleurs de Lettonie.

[28] « Adieu, 1945, raccrochons notre pays au Monde », Denis Kessler, Challenges, nº 94, 4 octobre 2007.

[29] Éloi Laurent, Le bel avenir de l’Etat-Providence, Les liens qui libèrent, 2014.

[30] Saskia Sassen, La Ville globale : New York – Londres – Tokyo, Descartes et Cie, 1996.

[31] Bernard Stiegler, La Société automatique : 1. L’avenir du travail, Fayard, 2015 ; L’emploi est mort, vive le travail! Entretien avec Ariel Kyrou, Fayard/Mille et une nuits, 2015.

[32] Bertrand Ogilvie, L’homme jetable. Essai sur l’exterminisme et la violence extrême, Amsterdam, 2012.

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