Chronique du 14 mai 2012, RTBF/La Première
Vous savez sans doute qu’aujourd’hui, c’est la Journée internationale contre l’hypertension. Hier, c’était la Journée mondiale de l’ingénierie pour l’avenir, et demain la Journée internationale des familles. Pas de dates du calendrier, ou presque, qui ne soient consacrées à une cause ou à une autre – certaines importantes et nécessaires, d’autres plus farfelues, au point que la plupart de ces Journées mondiales ou internationales passent finalement inaperçues.
Au Centre pour l’égalité des chances, par exemple, nous devons nous manifester le 21 mars (contre le racisme), le 8 avril (les Roms), le 17 mai (homophobie) -ce sera jeudi, et là, après le meurtre de Liège, cela prend tout son sens-, le 20 juin (les réfugiés), le 1 juillet (pauvreté), le 1er octobre (personnes âgées), le 3 décembre (personnes handicapées), le 18 décembre (migrants), sans perdre de vue la Journée mondiale de la femme (le 8 mars), celle des droits de l’enfant (20 novembre), et bien sûr celle des droits de l’homme (le 10 décembre).
Et moi qui adore manger, je ne dois pas oublier qu’il y a une Journée de l’alimentation (16 octobre), et une autre des cuisiniers, ainsi qu’une Journée sans viande, une autre avec fromage. Une fois le repas terminé, il y a une Journée mondiale du lavage de mains, une autre des toilettes, et tant qu’on y est, il y a une Journée de la santé bucco-dentaire. Bon appétit !
C’est d’ailleurs le monde médical qui se taille la part du lion de ces journées de sensibilisation : il y a la semaine de lutte contre le cancer en mars et contre le sida en décembre. Mais les hypocondriaques peuvent aussi se mobiliser contre l’asthme, l’hémophilie, la maladie de Parkinson, le paludisme, les hépatites, l’Alzheimer, le diabète, le psoriasis, l’herpès, la prostate. Bon appétit à nouveau !
Il y a une Journée qu’on peut supprimer, c’est celle de solidarité avec les prisonniers en Tunisie ; mais beaucoup d’autres restent d’actualité : solidarité avec la Birmanie, le peuple palestinien, les enfants soldats, les victimes de la torture, les écrivains en prison, contre la censure sur Internet, contre la peine de mort.
Dans cet inventaire à la Prévert, il y a de la poésie – d’ailleurs, il y a une Journée internationale de la poésie … Mais aussi du conte, du soleil, du rire, de la gentillesse ; une Journée du pied (ce sera ce vendredi prochain, figurez-vous), une autre des zones humides (qui me fait beaucoup fantasmer) ; une Journée de la mer, à ne pas confondre avec celle des océans ; des Journées du vent, de la montagne, du parler pirate, des gauchers et des gauchères (je salue ma fille Sophie), et la très attendue Journée mondiale du tricot (vous saluerez votre tante Yvonne).
Bientôt, il ne restera plus de dates. Il faut faire de la place ! Je suggère qu’on fusionne quelques dates : la Journée de la lenteur et celle du transport public ; la Journée du jeu vidéo et celle contre les mauvais traitements infligés aux enfants. Il y a une Journée de la Corse, mais aussi une Journée du sommeil qui fait un peu double emploi. Et les enseignants, qui ont leur journée le 5 octobre, diront qu’au train où ça va, on peut les célébrer le 5 décembre, journée du bénévolat.
Et quand on aura fait un peu de place, eh bien je proposerai la Journée mondiale … sans Journée mondiale. Une journée où l’on ne célèbre rien, où l’on ne se bat pour rien, où l’on est indifférent à tout. Une journée sans colloques, sans communiqués de presse, sans donneurs de leçon. Une Journée mondiale du je m’en-foutisme absolu. Et en définitive, il est probable que cette journée sera la plus représentative du monde dans lequel nous vivons.
A la semaine prochaine … Journée mondiale de la diversité culturelle !