Texte d’une conférence donnée à La Louvière, à l’occasion d’une journée « Pourquoi être citoyen européen en 2010? », 17 septembre 2010
D’après mon nom, vous aurez compris que tout ce qui concerne les relations entre la Belgique et l’Italie m’intéresse ainsi d’ailleurs que le passé, le présent et le futur de que l’on appelle parfois improprement la communauté italienne de Belgique.
En fonction de ma formation et de ma profession, les organisateurs savent que le thème de la journée tel qu’il se décline dans l’intitulé « Pourquoi être citoyen européen en 2010 ? » est au coeur de mes recherches et travaux depuis plus de 20 ans.
Je ne vais pas aujourd’hui faire un exposé théorique pointu ni même présenter de manière systématique les résultats de recherches récentes menées au sein de mon centre, le CEDEM à l’université de Liège.
Je voudrais simplement vous proposer deux réflexions que m’inspire le titre général de la journée au regard de l’actualité de notre pays et de l’Europe et quelques réflexions sur les nouvelles migrations en Europe.
Première réflexion : la question que nous nous posons aujourd’hui, des milliers d’autres personnes doivent se la poser aussi, peut-être en la reformulant un peu. Je pense notamment aux Roms, aux Tziganes et aux gens du voyage qui sont éloignés quotidiennement au territoire français. Nombre d’entre eux, qui sont juridiquement des citoyens européens car ils possèdent la nationalité roumaine, bulgare, hongroise ou slovaque, doivent en effet se demander à quoi cela sert d’être des citoyens européens ? Vous savez que l’Union Européenne est basée notamment sur trois libertés de circulation : des biens, des capitaux et des personnes. Vous savez aussi qu’on a souvent pointé du doigt le manque de mobilité des citoyens européens au sein de l’Union qui serait un obstacle à son développement économique. Nous avons ici des citoyens qui s’inscrivent dans les trois libértés et qui font ce que l’on attend du bon citoyen en Europe : bouger en fonction des opportunités au sein de l’Union. Or ils sont punis pour cela. Cela démontre qu’entre la citoyenneté de papier et la reconnaissance de celle-ci dans les faits, il peut y avoir un gouffre…rempli par les discriminations ethniques et raciales, qui sont pourtant à l’opposé de l’idéal européen.
Deuxième réflexion : dans différents états-membres de l’Union européenne, les revendications séparatistes, autonomistes, indépendantistes, souverainistes et nationalistes s’expriment de manière bruyante. C’est vrai en Espagne avec les affirmations basques et catalanes. C’est le cas en Italie, avec le mouvement pour la sécession de la Padanie. C’est vrai en Ecosse. Et c’est aussi le cas en Belgique. La plupart du temps, ces mouvements nationalistes contemporains se développent dans des régions riches de l’Europe. La plupart du temps, les nationalistes d’aujourd’hui inscrivent leur combat dans le cadre européen. Ils traduisent souvent ce que le philosophe allemand Jürgen Habermas appelait un « chauvinisme du bien-être », c’es-à-dire la volonté d’expriment des nouveaux riches de ne pas partager, de ne plus partager avec les moins nantis, de ne plus être solidaire avec eux, mêmes s‘ils sont aussi européens. Souvent cette attitude s’exprime sur fond d’une amnésie totale. Les héros de la Padanie et de la Flandre indépendantes ont oublié qu’il n’y a pas si longtemps les miséreux de ces régions sous-développées allaient chercher fortune ailleurs en Europe ou dans l’autre région du pays. Par ailleurs, la vision qu’ils ont de l’indépendance semble dépassée. Nous vivons dans un monde interdépendant. Tout le monde a besoin de tout le monde. Même les USA et la Chine ne sont plus indépendants au sens traditionnel. Alors pensez-vous vraiment que la Padanie ou la Flandre pourraient l’être ? Quoi qu’il en soit , cette vision nationaliste menace l’essor d’une citoyenneté européenne et d’une société européen égalitaire et cohésive. Sas solidarité, sans reconnaissance de l’interpédendance entre les sociétés, elle ne peut en effet pas prendre son envol. Dès lors, affirmer sa citoyenneté européenne c’est lutter contre les nationalismes et contre les replis communautaristes des nantis.
Venons en maintenant à quelques obsvervations sur les nouvelles migrations en Europe :
1. L’Europe est un continent d’immigration qui ne s’assume pas encore totalement :
- Immigration de plus en plus diversifiée en ce qui concerne les origines nationales des migrants
- Immigration globalement de plus en plus féminine
- Immigration dont le niveau d’éducation et de formation est souvent plus élevé que les immigrations d’après-guerre
- Immigration a une utilité économique incontestable et est source de profit
- Les immigrés d’aujourd’hui ont plus de facilité pour garder le contact avec le pays d’origine.
- Les attitudes à l’égard de l’immigration en Europe sont souvent ambigues :
- On veut le travail des immigrés sans les immigrés (Rea)
- On les voit comme des profiteurs mais aussi comme les sauveteurs de la sécurité sociale
- On veut qu’ils contribuent au développement du pays d’origine mais on se méfie d’eux lorsqu’ils développent des pratiques transnationales.
Clairement, L’Europe doit aller plus dans le développement d’une politique d’immigration globale et cohérente.
La question de l’intégration gagnerait être repensée dans le conteste d’interdépendance actuelle
La question de comment combiner unité et diversité en Europe reste posée : dépasser le multioculturalisme mais aussi le néo-assimilmationnisme
Je voudrais terminer par une remarque sur l’importance de manifestations comme celle-ci. Elle démontre que les immigrés peuvent être des liens entre les sociétés. Ils peuvent les rapprocher et être des rassembleurs. Nos parents et grands-parents ont été exploités, victimes de racisme, mais avec le temps et les générations, ils ont bien trouvé leur place ici. Des relations fortes se sont nouées entre des Italiens de différentes régions, entre des Italiens et des Belges, entre des villes belges et italiennes, entre l’Italie et la Belgique. Aujourd’hui, c’est un immigré italien de la seconde génération qui tente avec le plus d’ardeur de sauver la Belgique. Finalement, et même s’ils ne se demandaient pas pourquoi, ces immigrés n’ont-ils pas été les premiers citoyens européens ?