https://bpy.bilgi.edu.tr/en/blog/the-arts-and-artists-against-islamic-radicalizatio/

Author: Prof. Marco Martiniello

Translated from French to English by Selin Levi.

The debate surrounding Islamic radicalization among the European urban youth resurfaces after each terror attack. It is eminently complex and requires equally complex explanations that can only be multifactorial and multidisciplinary. Thus trouble comes when considering the various explanatory factors that remain after having eliminated those that are not relevant. However, it is rare to examine the role of arts and culture when it comes to these discussions. Usually, repressive or hawkish responses are favored. Yet, these are insufficient. The arts and artists play a critical role in providing a renewed sense of purpose to vulnerable youth and thus prevent them from radicalizing.

Disadvantaged suburban neighborhoods, from which the majority of radicalized European youth arise – and this is often unrecognized or voluntarily ignored – are hotspots for innovative artistic creation. While many artists from these areas stay in the underground or alternative scenes, some of them occasionally gain national or international fame.

Artistic and cultural expression are valuable because they create meaning. Through their active or passive participation in artistic projects, youth can find renewed sense of purpose to a life they – sometimes – perceive lacking it. Arts and culture are also methods for understanding reality, tools for reflection, which may be more accessible and direct than other more traditional media. Finally, participation in the arts and culture can allow many people to tell their stories and experiences, to talk about their pain, their happiness or life-struggles. They can thus become the voice of those who go otherwise unheard in a society that already ignores them. In a way, they can simply relieve the pain of life through expression. In this sense, hip-hop, stand-up, theater, and to a lesser extent cinema, can uplift youth and increase their self-esteem in a society that rejects them. They can work as antidotes against nihilistic tendencies that can often be a factor leading to radicalization.

Thus, artistic creations and productions present a powerful pedagogical potential to dissuade youth from radicalizing. The play “Jihad”, put on by the Muslim comedian Ismael Saidi perfectly represents this idea. The play, in a comedic but serious tone, tells the story of three Muslim youth from Molenbeek-Saint-Jean, who want to fight alongside the members of the Islamic State. First shown in 2014, the play was acknowledged by the Ministry of Education. It was played almost a 100 times to approximately 40,000 students, along with interviews with the artists. Including moments of laughter, sadness and reflection, these performances have undoubtedly allowed a lot of young people to better understand the senseless nature of the path proposed to them by the Islamic State, either on the internet or by recruiters who roam their neighborhoods.

Finally, it seems indisputable that artists who enjoy a certain notoriety in their neighborhoods are in a privileged position to talk to and to be heard by young people. For example, a well-known artist from Brussels explained that it was not uncommon for very young boys to talk more or less serious about the possibility of fighting. Where moralizers, parents or educators would be confused, he explained to me how he could quite easily, as the respected rapper and the local star, educate them using terms they can understand and keep their attention, partly due to his notoriety and his legitimacy « of proximity ».

Admittedly, arts and culture are not the universal remedies. They will not solve major global geopolitical and economic problems or problems of ethnic and racial discrimination. They cannot be substitutes for security or military-driven approaches. However, by highlighting the creative skills of young people, by speaking the language they know and love, certain cultural and artistic expressions can really give meaning to lives which may lack it, uplift young people, shape them into individuals as important and respectable as any other, capable of taking their destiny in their own hands, and to reject the hopeless paths that some criminals offer them and start mobilizing again, so that society offers them the opportunities and hope for fulfilment to which they have the right.

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French version below:

Les arts et les artistes contre la radicalisation islamique  

Auteur: Prof. Marco Martiniello

La question de l’explication de la radicalisation islamique d’une partie de la jeunesse urbaine européenne revient à chaque épisode terroriste. Elle est éminemment complexe et elle appelle des explications tout aussi complexes qui ne peuvent être que multifactorielles et multidisciplinaires. La difficulté est alors de pondérer les différents facteurs explicatifs conservés après avoir éliminés ceux qui ne semblent pas très pertinents. En revanche, il est plus rare de s’interroger sur la place des arts et de la culture dans la panoplie des réponses à ces phénomènes. En règle générale, les réponses policières et militaires sont privilégiées. Or, elles ne suffisent pas. Les arts et les artistes ont un rôle crucial à jouer pour redonner un sens à l’existence des jeunes fragilisés et ainsi prévenir leur potentielle dérive radicale.

Les quartiers urbains défavorisés desquels proviennent la majorité des jeunes européens séduits par le projet politique et terroriste djihadiste sont aussi, et c’est souvent méconnu ou volontairement ignoré, des foyers de créations artistiques plus ou moins novatrices et par conséquent le berceau d’artistes qui souvent restent dans l’alternatif ou l’underground, mais qui parfois atteignent la notoriété nationale ou internationale.

Les expressions artistiques et culturelles sont en premier lieu extrêmement importantes parce qu’elles créent du sens. A travers leur participation active ou passive à des projets artistiques, certains jeunes peuvent trouvent une réelle raison d’exister et donner un sens à leur vie qui parfois en est à leurs yeux dénuée. Les arts et la culture sont aussi des modes d’appréhension du réel, des outils de réflexion et de connaissance souvent plus accessibles et directs que les canaux traditionnels. Enfin, les arts et la culture permettent à beaucoup de gens de raconter leur histoire et leur expérience, de parler de leurs douleurs, de leurs joies, des difficultés de leurs vies. Ils peuvent alors devenir la voix de ceux qui n’ont pas d’autre voix pour être entendus dans une société qui les ignore. Dans un certain sens, ils peuvent tout simplement soulager les douleurs de la vie via l’expression. A cet égard, les disciplines du hip-hop, le stand-up et le théâtre et dans une moindre mesure le cinéma peuvent contribuer à valoriser les jeunes, à augmenter leur estime de soi tout en les replaçant au coeur même de la société qui les rejette.

Ce faisant, elles peuvent constituer des antidotes puissants contre les potentiels dérives nihilistes des jeunes qui sont une des causes de leur engagement dans le projet djihadiste   Par ailleurs, certaines créations et productions artistiques présentent un potentiel pédagogique puissant susceptible elles aussi de dissuader certains jeunes d’embrasser le projet djihadiste. La pièce de théâtre Jihad montée à Bruxelles par un comédien musulman Ismaël Saïdi illustre parfaitement cette proposition. La pièce raconte sur le ton de l’humour mais aussi avec gravité et sans tabous, l’histoire de trois jeunes musulmans déboussolés de Molenbeek-Saint-Jean, une des 19 communes bruxelloises, qui veulent d’aller se battre aux côté des combattants de l’état islamique.

Montée en 2014 au départ pour 5 représentations, la pièce a été reconnue comme étant d’utilité publique par le Ministère de l’Education de la Fédération Wallonie-Bruxelles. A ce titre elle a été présentée près de 100 fois à près de 40,000 écoliers de Belgique francophone accompagnée de débats avec les artistes et d’un dossier pédagogique. Moment de rire, de tristesse et de réflexion, les représentations ont sans aucun doute permis à pas mal de jeunes de mieux comprendre la gravité de la situation et le caractère insensé de la voie qui leur est proposée par l’état islamique soit sur internet, soit par des recruteurs qui arpentent leurs quartiers.   Enfin, il semble incontestable que les artistes qui jouissent d’une certaine notoriété dans les quartiers et qui en plus, ont l’âge des grands frères, sont dans une position privilégiée pour parler aux jeunes et être entendus par eux. Par exemple, un rappeur bruxellois assez connu me racontait qu’il n’était pas rare que de très jeunes garçons évoquent de façon plus ou moins sérieuse avec lui la possibilité vers des terrains de lutte. Là où les moralisateurs, les parents ou les éducateurs se trouveraient déconcertés, il m’expliquait comment il pouvait assez facilement, lui le rappeur respecté et la vedette locale, les recadrer dans des termes qu’ils comprenaient et en gardant leur attention liée en partie à sa notoriété et à sa légitimité « de proximité ».

Certes, les arts et la culture ne sont pas la panacée universelle. Ils ne vont pas résoudre les grands problèmes géopolitiques et économiques mondiaux ou les problèmes de discrimination ethnique et raciale. Ils ne peuvent pas non plus se substituer aux approches sécuritaires et militaires. Toutefois, en mettant en valeur les compétences créatives des jeunes, en leur parlant le langage qu’ils connaissent et qu’ils aiment, certaines expressions culturelles et artistiques peuvent réellement donner du sens à des vies qui en manquent, valoriser les jeunes, en faire des êtres humains aussi importants et respectables que n’importe quel autre qui peuvent prendre leur destin en main et rejeter les voies sans issue que certains criminels leur proposent et recommencer à se mobiliser pour que la société leur offre des opportunités et un espoir d’épanouissement comme ils en ont le droit.

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