Publié dans le Monde
Une version pdf de cet article est disponible librement ici: http://hdl.handle.net/2268/17521 (une fois ouverte, allez au bas de la page et cliquez à droite sur l’onglet « Voir/Ouvrir ». Acceptez la licence et le fichier pdf s’ouvrira automatiquement)
Chaque année, le Sahara injecte près d’un milliard de tonnes de poussières dans l’atmosphère. Plus de 100 millions de tonnes de ces poussières prennent la direction de l’Europe. Beaucoup d’entre elles se perdent dans la Méditerranée avant d’atteindre le vieux continent. D’autres retombent au gré des pluies et recouvrent périodiquement nos véhicules. Elles constituent un véritable problème de santé publique dans le sud de l’Europe, comme en Espagne, car l’importante concentration de ces fines particules dégrade la qualité de l’air que nous respirons. Certes, ce phénomène a toujours existé. Mais il a très fortement augmenté depuis les années 1980, depuis que les zones péri-désertiques sont sujettes aux processus de plus en plus pressants de désertification. La végétation ayant disparu sur des centaines de millions d’hectares, de nouveaux sols ont été emportés par le vent.
Mais ces sols dégradés ne libèrent pas que des poussières. Ils voient aussi partir des êtres humains qui, par la force des choses, deviennent des réfugiés environnementaux et migrent. Ils migrent vers d’autres lieux, poussés par une pulsion de survie. Ils gonflent les villes en lisière des zones arides jusqu’à l’éclatement ou migrent vers le Nord ‘où les rues sont pavées d’or’. Certains tentent à tout prix de pénétrer dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila au Maroc, d’autres s’essayent à la traversée maritime. Et beaucoup de ces derniers rejoignent, comme les poussières africaines, les abysses de la Méditerranée sans jamais atteindre l’Europe.
Dans l’urgence, une part de ces déracinés candidats à l’immigration ont été déportés dans le désert. On pourrait imaginer qu’ils y font des paris avec les poussières pour savoir qui d’eux arrivera en premier en Europe. Car pendant ce temps, la communauté internationale ne se mobilise que du bout des lèvres dans sa lutte contre la désertification et ce cancer environnemental continue inlassablement ses ravages, avec son lot de victimes. Et selon les Nations Unies, ce sont près de 60 millions de personnes qui quitteront les zones arides sub-sahariennes sujettes aux processus de désertification pour tenter d’accoster en Europe d’ici à 2020.
Cette année 2006 a été déclarée ‘Année Internationale des Déserts et de la Désertification’ par les Nations Unies. C’est peut-être le moment de conscientiser les populations et les politiques sur les causes et les conséquences de cette dégradation environnementale.
Poussières et humains qui se déplacent doivent être pour nous le même symptôme d’une interdépendance qui nous lie à ces deux milliards d’individus menacés par la désertification sur notre planète.
Pierre OZER, Le Monde (France), 24 janvier 2006.
Pierre OZER, La Libre Belgique (Belgique), 8 février 2006.
Pierre OZER, L’Opinion (Maroc), 24 mars 2006.
Pierre OZER, Journal Terre (Belgique), N°112, Printemps 2006.
Pour avoir la version pdf de cet article, envoyez-moi un mail à eb.ca1732498562.glu@1732498562rezop1732498562