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Publié dans L’Echo

C’est le quotidien économique L’Echo qui a disséminé l’information à la veille de Noël : La faiblesse du dollar face à l’euro incite de plus en plus de Belges et d’Européens à faire leurs emplettes pour les fêtes aux Etats-Unis. ((Faire du shopping à Noël de l’autre côté du monde et au même prix. L’Echo, 23-26 décembre 2006, p. 2)) En effet, sous le titre « Achetez malin… », il nous est expliqué qu’un nombre non négligeable de nos concitoyens vont passer un long week-end à New York pour s’offrir la dernière technologie à la mode ou des produits de luxe. Et de préciser qu’avec des différences de prix de 25 à 50% sur ces achats de fin d’année, le coût du billet d’avion pour ce shopping-trip (400 euros) est rapidement amorti. Mais cet article va plus loin et nous apprend également que New York, à cause des contrôles de plus en plus contraignants des douanes américaines, pourrait être détrônée de sa place de destination favorite par Hong-Kong ou Singapour, le coût du billet d’avion pour Hong-Kong (500 euros) pouvant être aussi rapidement rentabilisé.

Au même moment, les professionnels du secteur du voyage se félicitaient de la progression des voyages en avion en 2006. Concrètement, Jetair annonçait le 19 décembre 2006 un tiers de réservations de plus pour les vacances de Noël en avion vers des pays de soleil. ((Le rush pour les vacances de Noël. La Libre Belgique, 20 décembre 2006, p. 16.)) Un record, donc, alors que 2005 était déjà un succès. Le top 5 des destinations ? Tenerife, Costa Blanca, Gran Canaria, Hurghada (Égypte) et Monastir (Tunisie). Même enthousiasme chez Thomas Cook, l’autre poids lourd du secteur du voyage organisé en Belgique, qui avançait au même moment une hausse de 28% pour les vacances en avion avec, en tête de peloton, Tenerife, Hurghada, Charm al Cheikh (Égypte), Gran Canaria et Agadir (Maroc).

Quant aux vacances plus exotiques, elles affichaient également de très bons résultats. Les vols directs pour Zanzibar, le Kenya, la République Dominicaine et le Brésil ont remporté un grand succès, avec une augmentation de 15% du nombre de voyageurs.

Bonne année donc. Mais de manière surprenante, pas un mot sur l’impact de cette croissante mobilité internationale des personnes sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et, donc, sur le réchauffement climatique. Pourtant le secteur aérien est très polluant. Il est actuellement responsable d’environ 3% des émissions mondiales de CO2 dues aux activités humaines et constitue donc une source non négligeable sur laquelle il faut agir prioritairement. En outre, les avions envoient d’autres polluants dans l’atmosphère et sont à l’origine de la formation des traînées de condensation dans la haute atmosphère, qui ont également des effets importants sur le climat. Souhaitez-vous savoir à quel point votre voyage aérien est générateur de CO2 ? Rien de plus simple. ((Calculez vos émissions de CO2 relatives à votre déplacement aérien à partir du site http://www.myclimate.org)) Un passager se rendant pour une semaine sous le soleil de Tenerife émet, pour lui seul, 1636 kg de CO2, soit les émissions d’une automobile ordinaire parcourant plus de 10000 km. Un autre voyageur souhaitant « acheter malin » quelques jours à New York émettra 2254 kg de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles d’une automobile ordinaire en Belgique. ((Les voitures particulières belges ont parcouru en moyenne 14956 km par an en 2005.))

Certes, pour des raisons de rentabilité, le secteur aérien a fait des efforts de réduction de consommation d’énergie. Ainsi, depuis 1960, les émissions de CO2 par kilomètre parcouru ont baissé de 70%. Mais, sur la même période, le nombre de passagers-kilomètres transportés (PKT) est passé de 132 à près de 4000 milliards, soit 30 fois plus en 2006 qu’en 1960. ((International Civil Aviation Organization, http://www.icao.int.)) Un simple calcul permet donc d’établir que le secteur aérien émet neuf fois plus de CO2 actuellement par rapport à 1960.

Et ce n’est pas fini. Selon les projections de Boeing ((Boeing, 2006. Current Market Outlook 2006. 48 p.)), le chiffre de 10000 milliards de PKT devrait être dépassé en 2025, et le nombre d’avions devrait dès lors doubler au cours des vingt prochaines années.

Il y a peu, l’Union européenne a décidé formellement d’inclure le secteur de l’aviation dans le système européen des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (emission trading scheme ou ETS) en 2011. En imposant aux compagnies aériennes européennes une quantité maximale de gaz à effet de serre à émettre, cette mesure devrait encourager les développements technologiques visant à réduire les émissions de CO2 par passager. Néanmoins, ces mesures doivent être en synergie avec celles qui viseront à réduire le volume global des transports aériens. L’avion restera une composante importante de nos vies professionnelles et de nos loisirs, mais nous devons intégrer la dimension environnementale dans nos choix de mobilité. Cela passe par des choix raisonnables de destination de nos vacances. A terme, les coûts environnementaux importants liés notamment aux émissions de gaz à effet de serre devront être internalisés dans le prix du billet d’avion. Une taxe internationale environnementale verra certainement le jour dans les prochaines années.

En attendant, divers organismes ((Par exemple www.myclimate.org, www.atmosfair.de, www.actioncarbone.org, www.climatmundi.fr ou CO2solidaire.org)) proposent dès à présent aux particuliers et aux entreprises de compenser volontairement les émissions de gaz à effet de serre relatives à leurs déplacements. Ce système de compensation volontaire finance divers projets de développement durable dans les pays du Sud permettant la réduction des émissions de CO2. Un gros projet au Cambodge axé sur l’économie du bois de feu, par exemple, permettra ainsi de réduire de 485000 tonnes les émissions de CO2 sur 10 ans. La construction d’un parc d’éoliennes à Madagascar ou l’utilisation de l’énergie solaire en Afghanistan, au Costa Rica ou en Inde, sont autant d’autres projets qui permettent de neutraliser nos énormes émissions « aériennes » de CO2. Cette pratique de compensation est notamment l’usage pour les délégués belges qui participent aux négociations internationales dans le cadre du Protocole de Kyoto. Si cette démarche ne semble pas facile à adopter pour des particuliers (surtout si le vol « low cost » est moins onéreux que le « coût CO2 »), les entreprises se disant « vertes » se doivent de soutenir de telles initiatives et pourraient d’ailleurs en tirer des profits d’un point de vue marketing.

Pour rappel, les prévisions de plusieurs centres internationaux de climatologie estiment que 2007 pourrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée sur notre bonne vieille planète ((http://www.metoffice.gov.uk)) avec son lot accru de sécheresses dévastatrices en certains endroits, des inondations rarissimes d’un autre côté, et des vagues de chaleur meurtrières ailleurs… Il est donc temps d’agir sur tous les fronts !

Pierre OZER et Dominique PERRIN, L’Echo (Belgique), 30 janvier 2007.

NB : « La croissance du trafic aérien international s’est accélérée au premier trimestre 2007, en hausse de 7 pc sur le premier trimestre 2006, après une progression de 5,9 pc de 2006 par rapport à 2005, a indiqué l’Association internationale du transport aérien (IATA). Le rythme de croissance a même atteint 7,8 pc en mars. Cette progression est liée « à la vigueur des principales économies », indique l’association. » (Belga)

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